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24 Jan - 08 Mar 2014
Vernissage le 24 Jan 2014

Pierre Joseph participa dans années 90 à une redéfinition de la pratique et de la pensée de l’œuvre d’art. Ainsi, l’œuvre maîtresse de l’exposition, Endless Photographs, consiste en une série de clichés pris dans la forêt normande dont il est voisin, sans prêter attention au cadrage, avec un appareil photo dernier cri, sans aucun réglage.

Pierre Joseph
Maintenant

Ce n’est pas le moindre des tours de force de Pierre Joseph que d’indexer ses œuvres à un maintenant toujours renouvelé. Loin de juste retrouver le sens que Walter Benjamin attribuait à l’image dialectique, dont la «lisibilité» est fonction de sa rencontre avec un «présent», l’artiste en subvertit les termes: c’est le maintenant, dans ses modalités contextuelles, technologiques et culturelles, qui détermine les modalités de l’œuvre. Si Pierre Joseph participa avec d’autres artistes des années 90 à une redéfinition de la pratique et de la pensée de l’œuvre d’art, il en poursuit toujours l’entreprise.

Ainsi, l’œuvre maîtresse de l’exposition, Endless Photographs, consiste en une série de clichés pris dans la forêt normande dont il est voisin, sans prêter attention au cadrage, avec un appareil photo dernier cri, sans aucun réglage, et dont le tirage et la production ont été également réalisés par les moyens actuels de production (développement et encadrement via un site internet). Il en révèle ainsi un maintenant dépourvu de l’atmosphère romantique de toute forêt, et particulièrement de celle-ci, et précisément fantastique, telle que Barbey d’Aurevilly avait pu lui conférer, puisqu’il en avait fait le cadre de son roman L’Ensorcelée (1854).

Réalisant de nouveaux «Personnages à réactiver», près de dix ans après, l’artiste semble porter à son œuvre même ce geste de redéfinition temporelle: s’il faisait alors référence aux jeux vidéo, leur sens est actualisé en fonction des questions actuelles de réalité 2.0, ou encore par les questions à nouveau contemporaines du tableau vivant ou du re-enactment qu’il re-contextualise aussitôt qu’il les convoque.

Pierre Joseph semble alors inviter à penser une telle plasticité du sens qu’il laisse poindre le doute de sa possible absence, de même que l’œuvre invite à penser la profondeur de dispositifs quotidiens que lui seul a saisi. De ce dernier point de vue, sa recherche vise moins à découvrir quoi que ce soit qu’à court-circuiter toute idée de virtuosité pour approcher ce degré inatteignable. Mon Nom est personne, ultime œuvre de l’exposition, n’en a que plus de résonnance.

Vincent Romagny

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