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Magie blanche

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Jean-Luc Moerman nous veut du bien. Pour sa première exposition parisienne en solo, l’artiste belge s’est livré à des rituels de Magie Blanche, mariant habilement de futuristes créatures avec des coutumes ancestrales, afin de transmettre au visiteur une charge d’énergie positive.

C’est un attentat à la couleur, un festival de courbes et de méandres. La galerie Suzanne Tarasiève a subi une attaque d’entités étranges. Des organismes psychédéliques y ont été implantés pour muter et proliférer. Il semblerait que ces hybrides aient d’abord été le prolongement de leur auteur et, suite à une division cellulaire, aient évolué de manière autonome sur les murs, les vitres, dans les moindres recoins. Ils s’étirent, s’étalent, s’enroulent sur eux-mêmes, se multiplient de manière exponentielle et immanquablement envoûtent, hypnotisent le visiteur qui suit des yeux leurs élégantes nervures.

L’origine de ces mutants est généralement la même : une feuille de papier sur laquelle s’élabore, inspiré par un fragment de réalité, un motif. Ce dernier est ensuite scanné et retravaillé sur ordinateur avant d’être imprimé et projeté sur ce qui sera le support définitif de l’œuvre dont les dimensions se situent entre l’infiniment petit et l’infiniment grand.
En effet, susceptibles de coloniser l’espace de manière quasi chaotique, les cellules de Jean-Luc Moerman s’adaptent parfaitement aux aires strictement délimitées : une page de magazine, une simple feuille de papier, microcosme d’organismes miniatures à base d’encre de chine et de feutres, puis une toile ronde de dimensions variables qui voit l’apparition de la peinture acrylique, ou le miroir plexi sculpté et parfois incrusté sur d’imposants panneaux d’aluminium.

Le résultat est d’une extrême élégance, chargé d’une envoûtante énergie et incontestablement futuriste. Ce dernier aspect est renforcé par la présence de deux sculptures lumineuses du jeune artiste belge Frédéric Platéus (Sans titre), largement inspiré par l’art du graffiti et le hip hop, à l’instar de l’artiste vedette lui-même.

Mais la particularité des œuvres de Jean-Luc Moerman réside dans l’étonnante alchimie entre les technologies propres au XXIe siècle et quelque chose d’ancestral, occulté et oublié en Occident. Le nom de l’exposition est, sur ce point, révélateur. Par opposition à la magie noire, malsaine et destructrice, « Magie blanche » renvoie à une science bienfaitrice reposant sur les principes secrets de la nature, tendant à guérir et enrichir l’individu.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi les organismes mutants revêtent des allures de tatouages tribaux. S’apparentant au sorcier, au guérisseur, Jean-Luc Moerman appose systématiquement des signes censés protéger en invoquant les esprits selon des coutumes lointaines.
Le mariage du futur et du passé est particulièrement frappant dans la série des mannequins. Ces femmes, retouchées sur ordinateur, ont perdu leur réalité pour devenir des produits post-human. Tatouer leur corps à l’encre de chine revient à joindre deux extrêmes. Ce même dessein est à l’origine des organismes qui foisonnent sur le papier, les toiles, les panneaux et les murs. Toujours dans le même but : communiquer une énergie positive aux visiteurs. Le travail de Jean-Luc Moerman n’est donc pas purement esthétique, il est également fonctionnel.

Jean-Luc Moerman :
— Sans titre. Acrylique sur toile. Diam. : 120 cm.
— Sans titre (aluminium). Série de 5, aluminium, acrylique, miroir, plexi. 150 x 150 cm.
— Sans titre (femmes tatouées). Série de 14, encre de chine sur magazine. Dimensions variables.
— Sans titre. Ensemble de dessins, techniques mixtes. Dimensions variables.
— Sans titre. Série de 2, techniques mixtes. 305 150 cm.
— Sans titre (miroir). Miroir en plexi sculpté. Dimensions variables.

Frédéric Plateus, Sans titre. Série de 2, sculpture lumineuse, techniques mixtes. Dimensions variables.

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