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Magicien du cinéma

Il s’est malheureusement révélé impossible de faire mieux que la merveilleuse exposition consacrée au pionnier du cinéma, Georges Méliès, qui eut lieu en 2002 à l’espace Electra, sous l’égide, déjà, du commissaire Laurent Mannoni. Il est vrai que les organisateurs avaient pu disposer des moyens, et surtout de l’espace nécessaire.
Cela dit, l’exposition est honorable, compte tenu de la situation à Bercy : la place du «non-film» réduite à la portion congrue, de l’ordre du symbolique, le musée du cinéma toujours en caisses, comme si l’État ne voulait pas concurrencer celui de Disneyland Resort®, ou comme si on attendait patiemment la faillite du MK2 Bibliothèque pour investir de l’autre côté de la passerelle Simone de Beauvoir.
L’essentiel de ce qu’il faut retenir du magicien-cinéaste est là. Le tout présenté avec goût, avec soin, dans une ambiance chaleureuse, tamisée, feutrée, qui sied parfaitement au mystère éclatant de l’inventeur du truc cinématographique.

Georges Méliès, né en 1861, fils d’un fabricant de chaussures (la manufacture familiale est d’ailleurs représentée dans un tableau que l’on peut voir dans l’exposition), s’intéressa à l’art, au dessin, à la danse, au spectacle en général et à celui, en particulier, des shows de magie très en vogue de son temps, par exemple ceux que donnait l’Egyptian Hall.

Après s’être fait connaître comme caricaturiste sous le pseudonyme de Géo Smile, il racheta le théâtre Robert-Houdin avec sa part d’héritage. En 1895, il assista aux toutes premières séances de cinématographe de Louis Lumière et décida de consacrer sa vie à cette nouvelle activité, qui n’était pas encore considérée comme un art, pas considérée du tout.

Son mérite fut, entre autres, de ne jamais se limiter aux domaines déjà explorés par Lumière : le vérisme (teinté d’impressionnisme), les «actualités» cinématographiques (points de vues et images d’un monde fantasmé), le théâtre filmé (de gros gags s’inspirant ou illustrant des illustrations et des dessins d’«humour» parus dans les périodiques de l’époque, dont on a du mal à imaginer qu’ils aient pu faire rire les lecteurs ou les spectateurs), des publicités (pour une marque de savon ou une charcuterie mécanisée, notamment), etc.
Le cinéma remplaçait progressivement la télé-vision de l’époque, c’est-à-dire les «expositions universelles» qui faisaient voyager le spectateur, façon Xavier de Maistre : sans qu’il ait à sortir de chez lui.

Georges Méliès comprend vite l’intérêt du cinématographe et les possibilités qu’il offre en matière d’abolition de l’espace et du temps, d’aberration, de trompe l’œil, de collage, d’apparition-disparition, d’ellipse, de surimpression, etc.
Il adapte les tours de passe-passe du théâtre Robert-Houdin ainsi que toute cette branche de la photographie dite «récréative» de la fin du XIXe siècle, à commencer par la photo «spirite», au nouveau média (en l’occurrence, le mot médium serait plus juste).
Pour cela, il a besoin d’un studio de cinéma, variante de celui du photographe, différent du panier à salades (Black Maria) d’Edison, un petit théâtre translucide, une serre ou une ménagerie de verre.
La maquette du studio de Montreuil, aujourd’hui disparu, maquette qu’on peut voir au musée de la Magie de Blois, est accompagnée de photos de sa destruction datant des années quarante. Deux photos montrent Méliès devant son échoppe de la gare Montparnasse : celle-ci est une sorte de studio de cinéma, art du rêve, en miniature, une maquette du passé : un magasin de jouets d’enfants…

Catalogue
Jacques  Malthête et Laurent Mannoni, L’Œuvre de Georges Méliès, éd. de la Martinière/La Cinémathèque française, Paris, 2008.

DVD
— Christian Fechner présente Georges Méliès, coffret de 2 DVD, éd. Studio Canal/Fechner Productions, Paris, 2008.
— Méliès le cinémagicien, édition prestige de 2 DVD, Arte Vidéo, Paris, 2008.

Georges Méliès
— Le Voyage dans la Lune. En plein dans l’œil !! (9ème tableau), 1930. Dessin sur papier, collé sur carton, encre, lavis d’encre. 23,8 x 31,6 cm.
— Pierrot, Colombine, la Lune, 1920. Dessin sur papier. Encre et crayons de couleur. 19,4 x 29,8 cm.
— Le Voyage dans la lune,1930. Photo de plateau. 12,5 x 17,3 cm
— Un laboratoire au milieu duquel se trouve une énorme tête barbue posée sur une table et reliée à droite à un soufflet actionné par un personnage également barbu, 1930. Dessin sur papier collé sur carton. Encre, crayons de couleur. 19,7 x 26,8 cm.Â