ART | CRITIQUE

Love in Luminaville

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

Entrer dans l’espace sombre de la galerie, découvrir une chambre, un lit accueillant aux draps défaits (je ne sais pas qui m’a précédée), un peignoir, et, en guise de fenêtres, des photographies de paysages urbains, nocturnes, graphiques et synthétiques, déserts.

Entrer dans l’espace sombre de la galerie, découvrir une chambre, un lit accueillant aux draps défaits (je ne sais pas qui m’a précédée), un peignoir, et, en guise de fenêtres, des photographies de paysages urbains, nocturnes, graphiques et synthétiques, déserts.

Cette pièce de Martine Aballéa inspire une rêverie colorée, lumineuse, auratique peut-être (rose, jaune fluo, violet, vert…). Le visiteur peut s’allonger dans le lit à deux places, rester là, dans une solitude voulue ou dans un échange possible.

Il y a de l’espace, des vides et des pleins, du froid et du chaud, du soyeux et des tensions, du plaisir, de l’abandon, une forme de douceur dont la magie reste empreinte de mélancolie. L’expérience à laquelle nous sommes conviés nous renvoie à la fugacité de nos désirs,à notre intimité secrète.
Discrètement, Martine Aballéa nous propose de laisser pénétrer cet ailleurs onirique dans notre quotidien, comme ces potions magiques qu’elle fabrique, comme ces histoires qu’elle raconte. Ne pas perdre le fil de nos fantasmes, dédoubler le réel, le détourner, le dérouler sans amertume, tels pourraient être les chemins de traverse qui garderaient ouvertes des voies intérieures insoupçonnées.

L’artiste montre ici une installation moins luxuriante que celle qui habite les lieux du Centre national de la Photographie. Mais la rigueur, la simplicité (voire une certaine manière de dépouillement) et la fausse désinvolture de cette chambre attestent d’une réelle attention vis-à-vis du voyageur éphémère qui passera.
L’artiste manifeste en même temps un attachement marqué aux formes plastiques qui conjuguent finement architecture, dessin, couleur, perspectives, fixité et mouvement des images. Petite fabrique de sensualité peut-être un peu cruelle, cette chambre (une sorte de camera obscura) et ses annexes invisibles mettent en scène l’absence, la mémoire, les mondes parallèles auxquels nous nous frottons sans cesse. La métaphore de l’hôtel est ici plus précise encore, parce qu’il ressemble à un îlot mental, il « figure » en fait le temps de répit dont nous avons besoin avant de nous inscrire dans d’autres trajectoires. Alors, le travail de Martine Aballéa constituerait un repère dans la géographie de nos incertitudes.

Martine Aballéa :
Installation :
— The Green Cat Club, 2000. Dessin numérisé sur papier photo. 56 x 85 cm.
— Luminaville, 2002. Photo numérique couleur. 100 x 150 cm.
— Nouveaux conforts, 2002. Photo numérique couleur. 150 x 100 cm
— Love in Luminaville, 2003. Photo couleur numérisée contrecollée sur aluminium. 171 x 87 cm.
— Love in Luminaville, 2003. Photo couleur numérisée contrecollée sur aluminium. 171 x 87 cm.
— Love in Luminaville, 2003. Diptyque : photo couleur numérisée contrecollée sur aluminium. 250 x 125 cm.
— Peignoir « Member ».
— Lit deux places, draps satinés roses. Tête de lit en métal peint (jaune/vert fluo).

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