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L’Oubli, toucher du bois

Dans Mon amour déjà, la précédente pièce de Christian Rizzo présentée au Théâtre de la Ville en 2008, le chorégraphe déployait l’étendue verdoyante de son vocabulaire plastique et ses talents de créateurs d’espace. Ses atmosphères scéniques épurées et brumeuses, instables, traversées de flux incessants et rythmées par un jeu de verticales et d’horizontales, de vide et de plein, venaient confirmer les multiples identités de l’artiste: créateur de mode et plasticien.

Ce penchant pour les arts visuels trouve ici, avec cette dernière création et la collaboration du scénographe Frédéric Casanova, l’une de ses transcriptions les plus éloquentes. De ces paysages inventés pour l’occasion, la boite qui fait office de scène, véritable huis-clos de bois dont les lignes de fuites reproduisent en volume les illusions perspectivistes de la peinture, restera gravée dans les mémoires. Ou encore cette forêt de colonnes bleues, descendante onirique des ruines antiques, dessinant de ses cimes une ligne d’horizon accidentée…

Dans L’Oubli, toucher du bois, la boite est aussi un cercueil. Progressivement, la voilà qui se vide des objets qui la peuplent — «fétiches» du chorégraphe: chaises, plantes vertes en pot, sphères énigmatiques. Le ton est donné ; le message aussi cristallin que les notes de pianos qui semblent naître des coulisses. Christian Rizzo fait table rase de son passé artistique et foule un nouveau territoire dont la mort est la frontière, habité de présences fantomatiques ou extatiques liées entre elles par des danses macabres et d’un vieil homme qui finit par être enseveli sous des linges. Autre dimension, autre temps cohabitant dans un même espace, l’au-delà de Christian Rizzo ressemble plus à un en-deçà, immanent, dissimulé au cœur même de l’existence.

Pourtant, si l’intuition de départ est bonne, la plastique irréprochable, l’atmosphère aussi étrange qu’hypnotique, la métaphore de la mort filée comme par les Parques en personne, la danse reste curieusement absente de cette création. Sans véritable substance, sans réelle unité, sans identité stable, elle est comme vampirisée par une symbolique trop pesante. Et, malgré tout un déploiement de gestes chorégraphiques somme toute de qualité, elle reste, à nos yeux, insignifiante.

— Conception, chorégraphie et costumes: Christian Rizzo
— Scénographie: Frédéric Casanova et Christian Rizzo
— Lumières: Caty Olive
— Musique originale: Sylvain Chauveau
— Collaboratrice artistique: Sophie Laly
— Avec: Jean Louis Badet, Philippe Chosson, Kerem Gelebek, Christophe Ives, Wouter Krokaert, Sylvain Prunenec, Tamar Shelef