ART | CRITIQUE

Loss

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

L’œuvre de Hans Op de Beeck est polymorphe et envoûtante, onirique et pénétrante. La galerie pour l’occasion s’est obscurcie ; l’espace d’exposition est plongé dans la pénombre, l’ambiance est religieuse, les sonorités lyriques.

La galerie Filles-du-Calvaire présente le travail de Hans Op de Beeck : une œuvre polymorphe et envoûtante, onirique et pénétrante. La galerie pour l’occasion s’est obscurcie ; l’espace d’exposition est plongé dans la pénombre, l’ambiance est religieuse, les sonorités lyriques.

Au rez-de-chaussée, l’installation intitulée Loss est composée d’un bassin aux nénuphars et d’une vidéo projetée sur le mur. Le visiteur est invité à prendre place autour de la pièce d’eau artificielle ; il se laisse bercer par le son, l’image, l’environnement. Un texte récité à haute voix alterne avec des parties chantées. L’image est en noir et blanc, les personnages en costume d’époque. Le film est en boucle, son titre finit par apparaître à l’écran : Perte. Les éléments sonores, musicaux, iconiques, textuels et matériels s’articulent peu à peu les uns aux autres.
La fiction s’établit progressivement à partir de ces éléments constitutifs : l’homme, la femme, un frère, une sœur et son amie, la disparition, la mémoire, un parc, une promenade, un bassin, la nuit. Le thème est celui de la perte de l’être aimé. Perte inconsolable, deuil impossible, souffrance éternelle, destin incertain : le registre est profondément sombre et ténébreux.

Le propos s’affiche clairement néo-romantique, et l’inspiration globalement dix-neuvièmiste. Sans doute peut-on y voir des équivalences, exercer des rapprochements, des parentés. Le traitement graphique en clair-obscur de l’image comme des matériaux associés au caractère mélancolique du propos font de cette œuvre l’équivalent techniquement réactualisé du nocturne. Mais il s’énonce comme un remake. Le regard lui-même est nostalgique. L’œuvre s’affirme également dans la nostalgie des œuvres du passé. Le regret teinte l’approche, la démarche et par conséquent la forme de l’œuvre. Le chagrin est rejoué. Cela instaure une distance froide vis-à-vis de l’énoncé, inscrit l’ensemble dans une dimension volontairement distante, artificielle peut-être ironique.

A l’étage, on retrouve des dessins cotés et, semble-t-il, préparatoires au film ainsi qu’un grand tirage photographique, une marine — pourrait-on dire ? — d’une vue panoramique de vague légèrement déferlante, visible aussi dans la vidéo. Ici encore, les référents de l’œuvre nous ramènent au XIXe siècle et à cette concurrence fructueuse — propre à cette époque — entre dessin, peinture et photographie et notamment autour du rendu réaliste de la vague. Cette problématique nous est confirmée par une œuvre plus ancienne également exposée à l’étage et intitulée My Brother’s Garden. Film d’animation réalisé à partir de très nombreux dessins qui acquièrent dans la permanente mobilité de l’image projetée une qualité étrangement vivante et réaliste.

Nous voici donc à nouveau frustrés autant que fascinés par le charme rejoué et ambivalent des images à la fois fabriquées et captées, projetées ou reconstituées pour lesquelles la galerie Filles-du-Calvaire continue d’affirmer un intérêt convaincu et impliqué.

Hans Op de Beeck :
— Circular Pond, 2004. Bois, plexiglas, caoutchouc, liant.
— Perte, 2004. Vidéo sur support DVD. 7’.
— Sans titre, série « Loss », 2004. Crayon sur papier. 73 x 110 cm.
— Gardens of Loss, 2004. Animation digitale sur support DVD.
— Loss (Seascape), 2004. Tirage jet d’encre sur toile.
— My Brother’s Gardens, 2003. Vidéo. 37’.

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