PHOTO | CRITIQUE

Lorna Simpson

PAriane Carmignac
@31 Déc 2004

Pour sa première exposition personnelle en France, Lorna Simpson présente une double vidéo, un film et des photos sur le double thème de la race et du genre. La femme noire entre reconnaissance sociale et dépendance aux hommes.

Lorna Simpson, pour sa première exposition en France, présente deux courts films, Corridor et Cloudscape, qui mettent chacun en scène des personnages noirs américains, deux femmes et un homme.
Ce sont, d’abord, les images tirées de ces films — naturellement présentées, elles, en pleine lumière — qui attirent et séduisent l’œil, grâce à une beauté plastique convoquant tout un jeu de citations : Vermeer, Delacroix, etc.

Le premier film, Cloudscape, est une confrontation (muette, pourrait-on dire) entre deux espaces et deux temporalités, que seule rapproche peut-être l’unique actrice jouant les deux rôles d’une femme noire aux XVIIIe et XXe siècles, et par là incarnant une certaine immuabilité de la condition réservée aux Américaines noires (en un curieux palimpseste où les images se côtoient pour mieux montrer leurs décalages, mais aussi pour mieux provoquer d’irrésistibles échos).

L’écran est partagé en deux par une ligne verticale, qui délimite le jeu de deux scènes contiguës, où apparaissent respectivement deux femmes dans leurs intérieurs et « dans » leurs occupations quotidiennes : l’une, incarnation d’un « jadis » qui, à tout prendre, pourrait aussi bien n’être qu’un « naguère », l’autre, figure de proue d’une modernité enfin trouvée.

Deux musiques diffusées en simultané, où parfois l’une prend le pas sur l’autre — semblant ainsi marquer le lien secret, intime, qui marque ces deux univers —, accompagnent le film ; mais ces mélodies semblent tout aussi bien signaler le jeu (l’interstice), l’hiatus entre les deux séquences filmées, où l’œil aurait tendance à rétablir une symétrie inexistante.

Corridor présente un homme noir, debout, seul dans le brouillard de la nuit, sifflant un air du XVIIIe siècle, symbole de la désillusion et de la condition des esclaves noirs en Amérique : où la seule performance artistique rejoint la commémoration solennelle de la tradition, et surtout prolonge et renouvelle la manifestation de la révolte, à mi-chemin entre l’hommage et une lutte perpétuée.

Lorna Simpson :
— Corridor (Night), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 69 x 183 cm.
— Corridor (Phone), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 69 x 183 cm.
— Corridor (Split), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 57 x 115 cm.
— Corridor (Inkwell), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 50 x 102 cm.
— Corridor (Night III), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 69 x 183 cm.
— Corridor (Chair), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 50 x 102 cm.
— Corridor (Bulb), 2003. Tirage chromogénique contrecollé sur plexiglass. 50 x 102 cm.
— Corridor, 2003. Vidéo transférée sur DVD, double projection sonore. 13’ 49.
— Cloudscape, 2004. Tirage argentique. 48 x 47,5 cm.
— Cloudscape, 2004. Film noir et blanc sonore en 16 mm transféré sur DVD. 4’ 34.

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