DANSE | SPECTACLE

Loredreamsong, La Part du rite

07 Avr - 12 Avr 2014
Vernissage le 07 Avr 2014

Formée à la danse en partie dans les studios abstraits de Merce Cunningham, où les affects sont soigneusement mis de côté, Latifa Laâbissi semble bien plus attirée depuis qu'elle a commencé à chorégraphier par ce qu'on pourrait appeler la tradition allemande de la danse.

Latifa Laâbissi
Loredreamsong, La Part du rite

La conférencière de La Part du rite disserte ainsi autour des noms de Rudolf Laban, Martin Gleisner ou Jean Weidt – tous chorégraphes allemands actifs dans l’Entre-deux-guerres qui ont tenté de mêler la politique à la danse, pour le meilleur et parfois pour le pire. Évidemment, à force d’être manipulée et de disparaître sous les serviettes, il arrive à la conférencière (Isabelle Launay) de perdre le fil de ses idées. Mais la dérive fait partie du travail de Latifa Laâbissi c’en est même un procédé formel récurrent. Expressivité, expressionisme, grotesque, caricature, comique, grimaces, déguisements sont donc des mots qui n’effraient pas la chorégraphe.

Les deux interprètes de Loredreamsong (Laâbissi elle-même et Sophiatou Kossoko) n’hésitent pas à s’envoyer des blagues bien vachardes et bien racistes dans les dents ou à se peinturlurer le visage de cirage comme si l’une d’entre elles au moins n’était pas assez noire. Ce recours à une danse qui n’a pas peur du sens, qui cherche même à faire sens, quitte à échouer parfois et à perdre (volontairement) ses repères n’est bien sûr pas gratuit. S’il fallait en résumer le but d’une phrase, on pourrait peut-être dire ceci: Latifa Laâbissi détourne les visages et les corps pour les déplacer. Elle les travestit pour les libérer des lieux que la société leur assigne. Elle les masque ou les dénude pour les délivrer des clichés et leur permettre de bouger (et donc de penser) autrement.

– Loredreamsong
«Certaines femmes arabes ont une odeur bizarre… »: c’est un cliché. Le genre de cliché qu’explorent, avec beaucoup d’humour rageur, Latifa Laâbissi et Sophiatou Kossoko dans Loredreamsong. Elles sont deux femmes sur scène, elles se cachent sous des draps blancs ou derrière du cirage étalé sur le visage. Elles se camouflent en quelque sorte pour mieux révéler les idées qu’on a d’elles ou sur elles. Elles jouent aux fantômes, chantonnent, bougent, parlent, se lancent l’une à l’autre des blagues —parfois racistes— pour démontrer qu’elles sont construites par les mots et le regard des autres et qu’il leur faut bien tout un spectacle pour reprendre la main sur leurs identités.

Conception: Latifa Laâbissi
Conception scénographique: Nadia Lauro
Figures: Nadia Lauro et Latifa Laâbissi
Lumière: Yannick Fouassier
Son: Olivier Renouf
Accompagnement vocal: Dalila Khatir
Collaboration dramaturgique: Bojana Bauer
Direction technique: Ludovic Rivière
Régisseur son: Jéremie Sananes
Avec Sophiatou Kossoko, Latifa Laâbissi

– La part du rite
Isabelle Launay est enseignante en danse et fait son métier: un exposé sur les enjeux des pratiques dansées, amateures ou révolutionnaires, dans l’Allemagne des années 20. La bizarrerie est qu’elle est allongée sur un autel de serviettes blanches. Latifa Laâbissi est danseuse et fait son métier: elle manipule, agit, secoue, modèle sans relâche ni ménagement le corps de la conférencière. Si bien que le discours cesse d’être mots pour devenir gestes. Si bien que la conférence devient performance et que La Part du rite, à force de masser le corps des idées donne des idées aux corps, aux nôtres.

Conception: Latifa Laâbissi
Installation visuelle: Nadia Lauro
Direction technique: Ludovic Rivière
Avec Latifa Laâbissi et Isabelle Launay

Informations
Latifa Laâbissi, Loredreamsong
Lundi 7, mardi 8, vendredi 11 et samedi 12 avril à 21h
Jeudi 10 avril à 20h
Relâche mercredi

Latifa Laâbissi, La Part du rite
Le 12 avril à 17h

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