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L’Ombre, Le Reflet

04 Fév - 05 Avr 2009
Vernissage le 03 Fév 2009

Les photographies de Gilbert Gormezano et Pierre Minot portent les marques d’une longue marche solitaire, dans les gorges des torrents et les chemins de crête, les rivages et les plateaux. Par l’épreuve photographique et l’expérience physique, ils captent des présences aussi fugitives qu’une ombre.

Pierre Minot et Gilbert Gormezano
L’Ombre, Le Reflet

Depuis plus de vingt-cinq ans, Pierre Minot et Gilbert Gormezano empruntent les gorges des torrents et les chemins de crête, les rivages et les plateaux qui unissent les sentiers du réel aux voies imaginaires. Longue marche solitaire au gré de la vie, ponctuée de stations rêveuses où s’entrevoit, par l’épreuve photographique et l’expérience physique, cette énigmatique présence aussi fugitive qu’une ombre, vibrant reflet au coeur du monde, animant la danse silencieuse et infiniment chatoyante de la matière et de la lumière. Qu’elles soient ou non préméditées, les images de cette exploration commune restent imprévisibles et constituent au fil du temps une oeuvre singulière.

Leur rencontre avec Robert Misrahi, philosophe éclaireur de l’être, a mis en lumière la libre orientation de cette réflexion photographique, pensée en images, sur les aurores de l’existence.

« L’Ombre, Le Reflet », projet produit spécialement pour la Maison européenne de la photographie, retrace en partie l’itinéraire photographique accompli entre 2002 et 2007 en dialogue avec le philosophe. Suite à l’exposition, la totalité des tirages rejoindra les collections de la Mep.

L’oeuvre de Pierre Minot et Gilbert Gormezano a été présentée dans de nombreuses expositions en France et à l’étranger ; la Bibliothèque nationale de France a présenté en mai 2003. une rétrospective d’oeuvres réalisées entre 1983 et 2001, « Le Chaos et la Lumière ».

La photographie est à la rencontre de la terre et du ciel
« A l’ordinaire, les photos mêlent leurs formes dans le surgissement d’une description du réel dans tous ses accidents significatifs. Mais la signification n’est plus rien lorsqu’on a compris combien la fondamentale rencontre est entre cette double réalité sous-jacente, et qu’elle dépasse de très loin notre échelle humaine. Certes, Minot et Gormezano gardent une présence humaine face aux présences cosmologiques. Mais l’humain est ici, de part en part, communion et accueil. Réalité visuelle de ce « retour à la chose même » dont nous parle un philosophe comme Edmund Husserl.

Pierre Minot et Gilbert Gormezano sortent d’eux-mêmes pour faire leurs oeuvres. Ils s’y projettent comme s’y projettent aussi matière et lumière. L’impalpable lumière, sa transparence, s’y révèle soudain habitée de formes. L’opacité profonde de la matière s’y révèle contenir en puissance des images qui ne peuvent se manifester que par l’intrusion de la lumière. » Jean-Claude Lemagny (Extrait de L’Ombre, le Reflet aux éditions Skira – Flammarion, 2009)

« Ils ont renoncé, peut-être momentanément, à la nudité du corps qui caractérisait jusque-là leur travail. Aujourd’hui, la figure vêtue semble paradoxalement avoir dépouillé davantage encore son identité. Plus indéterminée, plus lointaine, tout détail anatomique aboli, uniformément sombre et réduite au dessin de ses contours, silhouette désormais plutôt que figure, elle semble parfois à peine plus dense que son ombre. Elle n’apparaît au demeurant que de façon intermittente.

Dans Les demeures elle est floue et comme tremblante, au coeur de l’architecture dont elle semble donner l’échelle. Dans Les voies, on l’aperçoit par instant, minuscule et perdue sous les futaies ou sur la neige (mais focalisant le regard, comme si c’était la présence qui soudainement donnait sens au lieu). En total contre-jour, elle se réduit à une tête (Les étincelles), ou un bras levé émergeant de la vague (Les miroirs).

Mais dans Le haut-pays, elle occupe le premier plan ou le second plan, et se détache avec netteté sur le paysage grandiose, ciel, montagnes, lacs (la série est entièrement consacrée à des lieux où les artistes ont fait des séjours prolongés, vécu, dormi, dont ils se sont profondément imprégnés).

Placée en position de médiateur entre le spectateur et le paysage, la silhouette vue de dos rappellerait alors immanquablement certaines peintures de Friedrich – en particulier Le voyageur devant la mer de nuage – n’était sa petitesse extrême, qui exclut toute exaltation romantique de la figure humaine solitaire et surplombante.

Immobile, précise, anonyme, tache noire aux détails indiscernables, elle n’en dégage pas moins une étrange impression de stabilité, de sérénité. Partout ailleurs, la figure n’est présente que par son ombre ou son reflet. Et si on croit l’apercevoir sur une muraille rocheuse criblée d’alvéoles dans la série des Citadelles, il s’agit d’un artefact comme il arrive très exceptionnellement aux artistes d’en introduire dans le paysage, jouant de cette présence illusoire, sur la frontière entre le réel et l’imaginaire, semant l’incertitude et le doute.» Colette Garreaud (Extrait de L’Ombre, Le Reflet aux éditions Skira – Flammarion, 2009)

Publication

Un livre , publié par les éditions Skira – Flammarion, accompagne l’exposition. Textes de Robert Misrahi.
Préface de Jean-Claude Lemagny, Postface de Colette Garraud. Format : 22,5 x 30 cm, Prix : 45 euros

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