L’œil-écran ou la nouvelle image. 100 vidéos pour repenser le monde

Présentation
Régis Michel
L’œil-écran ou la nouvelle image. 100 vidéos pour repenser le monde

Préface d’Enrico Lunghi, directeur artistique du Casino Luxembourg, et Ruxandra Balaci, directrice artistique du musée national d’Art contemporain de Bucarest

« Que l’art vidéo, timidement apparu sur la scène artistique dans les années 1960 soit devenu depuis les années 1990 l’une des pratiques majeures de l’art contemporain, personne ne le contestera plus. Epousant les innovations techniques liées aux supports de l’image (du Super 8 au DVD, en passant par les contraintes des bandes U-matic et la fragilité des bandes VHS), ainsi qu’aux outils de projection (des tri-tubes peu maniables aux projecteurs légers actuels) et de diffusion sonore (mono, puis stéréo et maintenant dolby-surround system), les artistes qui utilisent la vidéo n’ont cessé de proposer un regard nouveau sur le monde, complexe et subtil, souvent à contre-courant de celui imposé par l’omniprésence des médias et de la publicité.

Or cet art, qui comme la photographie, est fondé sur une technique en principe reproductible et facilement diffusable, n’a pas échappé à la fétichisation fiévreuse des collectionneurs publics ou privés ni à la mainmise aliénante du marché : de fait, aujourd’hui beaucoup d’œuvres vidéo ne circulent pas plus facilement que de lourdes sculptures et le cercle de leurs propriétaires est généralement tout aussi restreint que celui des autres œuvres d’art.

C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles il n’est guère possible de réaliser une exposition d’art vidéo donnant un aperçu général des productions artistiques de la dernière décennie tout en offrant davantage qu’une seule œuvre par artiste. A cela s’ajoute que l’autarcie de la black box et de l’installation vidéo impose souvent une exclusivité qui isole chaque œuvre d’un même artiste comme les œuvres des artistes entre eux, éliminant la possibilité d’une confrontation directe, d’une stimulation féconde et d’une mise en perspective historique, que permettent encore d’autres médiums artistiques.

L’exposition «L’œil-écran», initiée par le Casino Luxembourg — Forum d’art contemporain, et réalisée en collaboration avec le musée national d’Art contemporain de Bucarest d’après une idée originale de Régis Michel, conservateur en chef au Musée du Louvre, est une tentative de renouvellement de l’expérience physique et intellectuelle de l’art vidéo à travers une centaine d’œuvres de cette dernière décennie réalisées par une quarantaine d’artistes internationaux.

Entre salles monographiques présentant un ensemble d’œuvres marquantes d’artistes parmi les plus importants de notre époque et salles collectives montrant plusieurs univers artistiques regroupés selon des affinités artistiques, politiques ou ayant trait à la sexualité, L’œil-écran propose une lecture peu consensuelle des images vidéo. L’œil du spectateur, plongé dans le noir et entouré d’images en mouvement dématérialisées, devient l’écran qui réceptionne les messages visuels des artistes et dans lequel son esprit vient puiser pour se nourrir.

La présente publication accompagne l’exposition par ses textes théoriques et analytiques et ses nombreuses reproductions qui évoquent le flux constant d’images de l’art vidéo : elle la prolonge aussi en incluant des œuvres qu’il n’a pas été possible, pour des raisons techniques, de place aussi, parfois plus complexes encore, d’exposer. Nous tenons à remercier chaleureusement le commissaire Régis Michel pour nous avoir entraînés dans cette passionnante aventure et contribué à enrichir l’expérience que nous avons de l’art vidéo de notre temps et la réflexion sur celui-ci. Nous remercions également très vivement tous les artistes et les galeristes pour nous avoir permis de réaliser ce projet sortant des chemins battus et donnant de l’art vidéo une vision différente, dérangeante peut-être, mais avant tout stimulante. »

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition «L’œil-écran ou la nouvelle image. 100 vidéos pour repenser le monde», présentée au Casino Luxembourg — Forum d’art contemporain, du 24 mars au 17 juin 2007.

Régis Michel est conservateur en chef au département des Arts graphiques du musée du Louvre. Il a publié notamment Posséder et détruire : stratégies sexuelles dans l’art d’Occident (RMN, 2000), La Peinture comme crime, ou la part maudite de la modernité (RMN, 2001), Où en est l’interprétation de l’œuvre d’art ? (ENSBA, 2001) et David. L’Art et le Politique (Gallimard, 2003).