DESIGN | CRITIQUE

L’Observeur du design 2009

PCéline Piettre
@29 Oct 2008

Même s’il décerne chaque année ses « étoiles », l’Observeur échappe à la starification de l’objet design pour l’inscrire dans une perspective d’innovation, de développement et de progrès social.

A peine arrivés dans l’espace d’exposition, une inquiétude nous assaille : comment s’y retrouver dans cette accumulation d’objets en tout genre, qui va des lunettes de piscine à la pompe à chaleur, du casque de vélo suédois au packaging pour bouteille de champagne, du mobilier de bureau à la dernière Toyota IQ ? D’autant plus que cette dixième édition de l’Observeur du design n’expose pas moins de 188 produits, systèmes ou services issus de tous les secteurs de l’économie…

Heureusement pour nous, la scénographie de Clémence Farrel affiche une sobriété salvatrice. Le classement des objets, avec sa logique muséale quelque peu désuète, sa répartition par taille et son étiquetage systématique, offre une lisibilité bienvenue. De larges bannières de couleur verticales distinguent les 38 produits étoilés de la sélection originelle, ce qui n’est pas sans rappeler les kakemonos des foires et des salons, soulignant ainsi la réalité éminemment commerciale de cette présentation.

Très vite, le ton est donné. La sélection se place sous le signe de l’innovation technologique avec la nouvelle version du Nabaztag de l’entreprise Violet — facilement identifiable par ses grandes oreilles et son museau de lapin. Idéal pour les étourdis, ce lecteur de puces à RFID, au doux nom de Mirror, pourra vous aider à ne pas oublier la prise d’un médicament ou à retrouver vos clés. S’en suivent alors toutes les petites inventions visant à améliorer notre quotidien, des plus essentielles — le train à grande vitesse d’Alstom, l’espace de réunion de Steelcase — aux plus anecdotiques : lecteur mp3 porté autour du cou, objet de rangement temporaire breveté par l’ESA, tonificateur musculaire de poche…

Et pour l’APCI, un seul mot d’ordre : pas d’innovation sans prise de conscience : de notre environnement tout d’abord — avec la valorisation du bois et le recours aux ampoules à basse consommation LED — mais aussi des problématiques sociales comme le vieillissement de la population, l’handicap, la précarité. « En France, et à la différence des autres pays européens, la question du développement durable n’est pas encore assimilée de façon systématique par les constructeurs » nous précise Anne Marie Boutin, directrice de l’Agence pour la promotion industrielle. Il est donc important de promouvoir cette « économie verte » et d’encourager les initiatives de certains designers et entreprises qui répondent par leurs réalisations aux besoins d’une société en mutation. Même si elle pêche par un look peu recherché et par trop enfantin, la gamme de mobilier Alzheimer s’inscrit parfaitement dans cette démarche sociétale. En plus convaincante, la Maison ouverte pour personnes âgées, installée récemment dans le 12e arrondissement de Paris, offre la possibilité aux plus de 55 ans de s’adonner à des activités variées en fréquentant d’autres générations. On est bien loin des maisons de retraites traditionnelles, lieux clos sur eux même, en marge de la communauté des actifs.

Cette très sérieuse sélection d’objets, motivée par des raisons éthiques et techniques, a pourtant un inconvénient : celle d’être, à terme, relativement ennuyeuse. Un peu comme à la lecture d’un catalogue de vente par correspondance, où la lassitude pointe son nez devant l’abondance de l’offre. Ainsi, l’on finit par déambuler mollement dans les espaces jusqu’à ce que l’on tombe sur quelques trouvailles amusantes, objets courants à la frontière de l’inutile, chargés d’une forte teneur fictionnelle ou affective. Tout droit sorti d’un film de Jacques Tati, un parapluie épileptique suit le sens du vent pour une protection optimale contre les intempéries ; ailleurs, notre classique plaquette de chocolat abandonne son réseau orthogonal pour un découpage irrégulier, qui saura contenter les petits et les gros gourmands. Et enfin, complètement ignorées par le jury, des boites d’encens colorées et nomades, produites par Sonia Rykiel, ajoutent une touche de glamour et d’élégance à l’exposition, une dimension esthétique qui lui fait parfois défaut.

— Modele FL2, 2008. Bois.
— Sylvain Samarut, tablette de chocolat, entreprise Valrhona, 2008. 110 x 110 x 6 mm.
— Free Instant Meeting, espace de réunion, entreprise Steelcase. Acier, panneau de particules. 156 x 170 x 164 cm.
— Gerwin Hoogendoorn et Niels Heijman, Senz Umbrellas BV, 2008. 900 x 50 x 50 mm.
— Gisèle Bessac, Hélène Carentz, Erick Ganne et Claire Roscian, La Maison ouverte, association La Maison ouverte. 2008.
— Sylvie Peyricot-Chanchus, Mirror, entreprise Violet, 2008. Plastique abc et composants électroniques. 100 x 100 x 10 mm.

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