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Living Rooms

PGalerie In Situ
@07 Fév 2014

Robert Wilson met en scène son univers artistique au musée du Louvre. L'exposition «Living Rooms» présente une collection d'objets dont il s'inspire et les Videos Portraits métamorphosent de célèbres tableaux. Au fil du parcours, les résonnances mettent en lumière un inextricable lien entre art et sacrifice, entre création et catharsis.

Invité au musée du Louvre, l’artiste et homme de théâtre américain Robert Wilson propose une exposition intitulée «Living Rooms». Le parcours, mis en scène en instaurant un jeu d’échos esthétiques et thématiques sur trois espaces muséaux, apporte un éclairage sur son processus de création. Il présente également une création inédite.

Aile Sully, la salle de la Chapelle transpose son lieu de vie et de travail à Watermill aux États-Unis pour accueillir The Watermill Collection: une sélection d’objets et d’Å“uvres d’art et d’archives qui entourent et inspirent l’artiste au quotidien. Salle de la Maquette et salon Denon, ses Videos Portraits mettent en scène Lady Gaga incarnant des figures emblématiques de l’histoire de l’art, en faisant référence à des Å“uvres de Solario, Ingres et David. Des éléments entrent en résonnance, d’où transparaît un intérêt particulier pour le thème du sacrifice dans l’art.

La salle de la Chapelle est agencée à l’image du Watermill Center situé près de New York. Conçu par Robert Wilson, ce lieu, à la fois laboratoire d’expérimentations et résidence d’artistes, abrite The Robert Wilson Archives et The Wilson Collection. La scénographie insiste sur le caractère quotidien du côtoiement d’Å“uvres et d’objets pour le créateur, en tant que source d’inspiration.

Lieu de vie dont les quatre murs sont décorés par des objets hétéroclites, la salle réserve un espace matérialisant au centre une chambre, soit le symbole de l’espace mental de l’artiste. Le lit renvoie aux phénomènes du rêve, conscients ou inconscients, où se travaille l’inspiration. Face au lit, l’écran vidéo projette l’image créée, issue du fruit de l’imagination. Une séquence filmée, défilant en boucle — référence à la musique à structure répétitive de Philippe Glass, un de ses plus fidèles collaborateurs? —, fait entendre une phrase prononcée d’une voix lancinante et obsessionnelle.

L’assemblage des objets occupant toute la surface des murs met l’accent sur le regard de l’artiste qui procède par sélection et association durant son processus de création, aboutissant à l’élaboration d’un univers esthétique dont l’unité est, chez Robert Wilson, remarquable, tant dans son Å“uvre pour la scène que dans ses réalisations vidéos.

Dans l’esprit des collections d’artistes surréalistes, Living Rooms recèle un assortiment d’objets hétéroclites, parfois insolites: nombre de souvenirs, figurines de héros populaires et de dessins animés, et quelques objets perdus, comme ce gant d’enfant trouvé sur la 7e avenue à New York. L’artisanal côtoie le design et l’art décoratif, représenté notamment par des pièces de la céramiste allemande Hedwig Bollhagen (1907-2001). Une kyrielle d’amphores offre un pendant d’une autre époque.

Les arts non occidentaux sont particulièrement présents, notamment grâce à une série de masques. D’origine anthropologique et religieuse, le théâtre est en effet étroitement lié à la tradition du masque, perpétuée par le théâtre antique, oriental ou africain. L’expression du visage étant absente, les formes d’expressions corporelles sont primordiales. D’où, dans l’esthétique théâtrale de Wilson, la particularité du maquillage arboré par les personnages, et l’éminence du rôle du geste et du positionnement dans l’espace. Les statues de Bouddha témoignent de la signifiance du geste, telle l’élévation des mains en signe d’absence de crainte d’un Bouddha originaire du Laos du XVIIIe siècle. Les poignards renvoient au sacrifice, particulièrement important dans le théâtre grec antique.

Des Å“uvres et des photographies tissent un fil thématique autour du rapport au corps, illustré par des tatouages et des scènes de scarification. Un rituel social dont le spectacle provoque toujours une impression troublante. Tout comme l’Å“uvre de Paul Thek, représentée par une pièce issue des Technological Reliquaries. Cette série se compose d’urnes funéraires matérialisées par des boîtes en plexiglas, renfermant des moulages en cire de membres du corps. En réaction au minimalisme caractérisé par la froideur émotionnelle, l’artiste américain présent sur la scène alternative new yorkaise des années 1960 voulait «ramener les caractéristiques crues de la chair humaine dans l’art». Une Å“uvre choc qui fit forte sensation, une référence pour l’art visuel de Wilson.

Enfin, la collection fait référence aux artistes et personnalités emblématiques qui ont inspiré ou collaboré avec Robert Wilson. Les portraits de Marlène Dietrich et une paire d’escarpins évoquent cette actrice qui le fascina pour sa beauté et son jeu. De même, des chaussons du danseur étoile Rudolf Noureev et de George Balanchine. Un portrait d’Albert Einstein fait référence au projet d’opéra composé par Philip Glass intitulé Einstein On The Beach dont il réalisa la mise en scène. Les deux artistes posèrent à cette occasion pour Robert Mapplethorpe. Des portraits de Christopher Knowles, Jean Genet, de stars de la pop music comme CocoRosie, des prises réalisées par Nadard ou Man Ray… composent le tableau de l’univers artistique dans lequel baigne Robert Wilson.

Salle de la Maquette sont présentés les Videos Portraits créés en collaboration avec Lady Gaga, accompagnés d’une musique céleste composée de sons harmoniques. Ces reproductions en images animées métamorphosent de célèbres tableaux de peintres de la Renaissance italienne et du Classicisme français. La Tête de saint Jean-Baptiste (1507) d’Andrea di Solario donne lieu à une série de variations jouant avec le teint cireux de la peau ou le sang. Le cerclage doré du plateau, multiplié, figure des anneaux célestes. Sur la dernière vidéo, la main de Lady Gaga, tatouée de l’inscription «art pop», suggère celle de Salomé caressant la barbe du martyr.

Son incarnation du Mademoiselle Caroline Rivière (1793-1807) d’Ingres donne à cette figure candide une attitude plus altière et ténébreuse, hispanisante. Enfin, salon Denon, où résonnent superposées la voix et la musique des deux salles précédentes, Lady Gaga donne au Marat assassiné (1793) de Jacques-Louis David des traits féminins, découvrant son sein gauche. Le même personnage évoque ainsi le révolutionnaire et la tyrannicide Charlotte Corday. Isolée, cette dernière vidéo semble placée à dessein par la mise en scène de Robert Wilson, face à La Jeune Martyre (1855) de Paul Delaroche qui représente une allégorie du sacrifice de la jeunesse.

Living Rooms et Videos Portraits introduisent au processus de création de Robert Wilson, depuis ses sources d’inspiration jusqu’à l’aboutissement d’une Å“uvre particulière. Le parcours même de l’exposition et la scénographie mettent en scène de manière unifiée son univers artistique, faisant entrer en résonnance divers éléments pratiques, esthétiques ou thématiques, par un jeu de correspondances.

Cette exposition livre les clés majeures de son esthétique théâtrale et visuelle, où s’unifient sous de merveilleuses lumières les maquillages, masques et costumes, les décors et la chorégraphie, le texte, la voix et la musique. Sont ainsi frappant son attrait pour le corps, en tant que matière expressive et lieu d’expression, son retour aux sources anthropologiques du théâtre, ou son intérêt pour la dimension sacrificielle et rituelle dans l’art.

Å’uvres
— Robert Wilson, Gaga portraits (Gaga en Saint Jean-Baptiste). Vidéo.
— Robert Wilson, Gaga portraits (Gaga en Marat assassiné dans sa baignoire). Vidéo.
— Robert Wilson, vue de l’exposition «Living Rooms», salle de la chapelle au Louvre.

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