PHOTO

Lionel Scoccimaro

L’oeuvre de Lionel Scoccimaro, pour peu qu’on pousse un peu l’analyse, révèle une face obscure qui prend très vite le pas sur les atours solaires. En effet, sous le vernis pop des codes visuels et des anecdotes d’une contre-culture « fun », l’artiste injecte, l’air de rien, des affects universels qui dépassent largement l’horizon du XXIè siècle: violence, angoisse devant la mort, désir, mélancolie et romantisme.

Information

Présentation
Richard Leydier, Jacques Norigeon
Lionel Scoccimaro

Extraits de « La mort en ce jardin zen » de Richard Leydier

Comme une grande partie des productions de l’art actuel, les oeuvres de Lionel Scoccimaro dénotent, pour la plupart, une facture lisse due à l’emploi de résines et de laques industrielles. Ce type de traitement, où la « psychologie formelle » de l’artiste paraît au premier abord avoir laissé peu de trace, vise une certaine efficacité qui doit conduire à une compréhension immédiate. S’agissant de Scoccimaro, on aurait toutefois tort de s’en tenur à cette première impression, tant ses oeuvres révèlent à l’analyse une nature profondément polysémique.

Le pouvoir invocateur des images se lit également en filigrane dans la série des Octodégénérés. Dans ces oeuvres photographiques et vidéo, l’artiste fait rejouer à sa grand-mère Lucette et à son frère jumeau Georges des photographies de famille montrant des enfants occupés à des jeux de leur âge. Ici, la vieille dame tire malicieusement la langue, là elle pose en maillot de bain, ceinte d’une bouée. Ailleurs, Georges trône sur une bicyclette bien trop petite ou joue au ballon avec sa soeur.

Ces images peuvent être interprétées sur un mode moins sociologique qu’intime, à savoir comme l’hommage affectueux d’un petit-fils à sa grand-mère, motivé par le désir de figer le portrait de l’aïeule dans ce qu’elle a de plus vivant: son éternelle jeunesse d’esprit. La série Octodégénérés pourrit ainsi constituer une vaine – mais très belle – tentatve d’arrêter (voire de remonter) le cours du temps et de conjurer les avancées inexorables de la mort.

Cette dernière surfe en effet discrètement sur l’horizon des oeuvres de Scoccimaro.
Sous la forme d’un tas de morceaux de sucre de cinq mètres de diamètre, dont la masse apparaît trouée ça et là de souterrains, Bikini évoque les installations militaires américaines sur l’atoll éponyme, où se déroulent de nombreux essais atomiques.

Tout se joue sous le sceau du contraste et de la dualité, par le détournement de formes et de slogans, en faisant subrepticement passer, sous une signification a priori légère, des sentiments soumis à ce qu’il faut bien appeler une force de gravité. Dns l’histoire de l’art, ce procédé porte un nom: l’allégorie.