ART | CRITIQUE

L’Invitation au bocal

PLiv Taylor
@12 Jan 2008

Des aller retour donc, une proximité manifeste, une variation particulière sur le thème de l’hospitalité: L’Invitation au bocal est aussi une histoire de vases communiquants.

A la Galerie municipale de Vitry, l’hospitalité est une histoire qui se déplie. Pour preuve, la filiation qui a vu naître l’exposition: la Galerie invite Stéphane Belzère à concevoir une exposition monographique. Fort de cette invitation, il décide lui-même d’inviter Frédérique Lucien pour occuper ensemble l’espace de la Galerie et mettre en regard leurs productions personnelles. Avant d’être une exposition, L’invitation au bocal est ainsi l’incarnation d’un désir de travailler ensemble, d’explorer de concert des chemins similaires, d’aborder des terrains connexes.

Un principe que l’on retrouve dans le parcours de l’exposition. Chacun cultive son jardin, non pas en retrait de l’attention de l’autre mais plutôt en recherchant les amorces d’un dialogue possible.
D’emblée, Lucien et Belzère nous plongent au cœur des vibrations qui font la force de leur travaux. Frédérique Lucien dessine à même le mur les sinuosités élastiques de ses formes, inscrites entre le relevé stratigraphique et le sentiment d’une végétation luxuriante. Stéphane Belzère saisit dans sa peinture la beauté étrange d’un organe végétant dans un bocal de laboratoire.

Les salles intermédiaires inspirent des conversations inédites, les «figures» de l’un retrouvant des gémellités dans celles de l’autre, Lucien découpant des silhouettes que les formes en flottaison de Belzère semblent remplir.

Les deux grandes salles impriment au dialogue une autre réalité : le face-à-face, la collision des styles. Économie du geste, effacement des formes au profit d’une exploration du vide, travail sur la strate, la superposition de transparences, prééminence d’une «iconothèque» suggérée par la nature (tige, pistil, pétale, paysage minéral) chez Frédérique Lucien. Peinture à la précision chirurgicale, présence autoritaire des sujets sur la toile, description sans complexe des corps morcelés et comprimés, stigmatisation de la frontière entre beauté et monstruosité chez Stéphane Belzère.

Mais ils se retrouvent pourtant dans cette architecture complexe et maîtrisée du vide et du plein. L’évidement et les zones massivement colorées de Frédérique Lucien répondent au modèle binaire de Stéphane Belzère, le «silence» du liquide de conservation face à la surcharge des sujets représentés.

Des sujets qui, par ailleurs, semblent dans les deux cas flirter avec la nonchalance de l’apesanteur. Les formes s’y étendent dans un effort centrifuge, l’écartement des motifs végétaux de Lucien en miroir du déploiement des organes de Belzère. D’où la planéité manifeste chez l’un comme chez l’autre, celle-ci nourrissant de manière consciente l’horizontalité de la scénographie, l’accrochage en série et cette volonté d’épouser au mieux l’espace d’exposition de la Galerie.

Des aller retour donc, une proximité manifeste, une variation particulière sur le thème de l’hospitalité: L’invitation au bocal est aussi une histoire de vase communiquant.

Frédérique Lucien
— Dessin, 2007. Gouache et calques additionnés. 28 x 38 cm.
— Sans titre, 2006. Encre et aluminium découpé. 142 x 114,5 cm.
— Dessin, 2007. Gouache et calques additionnés. 28 x 38 cm.

Stéphane Belzère
— Cercopithecus Aethiops Sabaeus, 1916-38 1931-741, 2005. Huile sur toile. 250 x 170 cm.
— Histrix Lo Quanda, Porc épic, A13406, 2005. Huile sur toile. 250 x 200 cm.
— Bocaux anatomiques n°32, 2005. Peinture vinylique sur toile. 100 x 500 cm.

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