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L’Instant et son ombre

A partir des premières images photographiques de W. H. Fox Talbot et de celles du souffle fixateur de la bombe atomique à Hiroshima, Jean-Christophe Bailly mène une réflexion sur les brûlures de l’ombre et la «puissance fictionnelle de ces apparitions».

Information

Présentation
Jean-Christophe Bailly
L’Instant et son ombre

L’une des 24 planches du Pencil of nature de W. H. Fox Talbot, le premier livre de photographies jamais publié, montre une meule de foin contre laquelle est posée une échelle dont l’ombre se découpe avec netteté. De cette photographie émane une force singulière, qui permet d’interroger l’apparition de l’image, et ce qu’elle garde du temps qui s’écoule. L’ombre portée est, dans ce cadre, l’objet d’un vertige tout particulier. Qu’est-ce qu’une prise photographique, qu’est-ce qui s’y dépose ?

À partir des images de Talbot, mais aussi de celles de Hiroshima et de l’homme soufflé, l’auteur élabore un véritable récit de formation qui interroge la puissance fictionnelle de ces apparitions. Entre la paix de la campagne anglaise et la violence anéantissante de la bombe atomique, c’est tout le destin de la photographie qui se joue.

Extrait

«Une photo est venue, s’est soulevée, ou s’est extraite, a surgi. De la masse ou de l’immense et infini feuilletage, une photo, une seule a eu ce pouvoir — celui, un temps, de surgir ainsi, en capturant le sens, en fixant la question : comme si tout le pouvoir et toute l’étrangeté de l’image s’étaient inscrits en une seule d’entre elles, et celle-là.

Avec aussitôt, il faut le noter, un pouvoir d’appel de cette photo en direction d’une autre, non identifiée mais formant derrière la première comme un estuaire obscur. Et lorsque j’ai compris vers quoi, vers quelle autre image la première, celle qui donc avait surgi, faisait signe, j’ai vu s’ouvrir un écart : l’espace d’un livre, toute une affaire à raconter, celle du chemin allant de l’une à l’autre — une histoire d’ombres brûlées, de temps suspendu, avec la possibilité de voir revenir, mais alors secoués, les vieux schèmes de la présence et de l’absence, de la masse et du détail, du temps filé, ou filant, et du temps stoppé net. Toute la dramaturgie de ce qui porte l’essence de l’image. L’histoire d’un glissement de (ou dans) la pensée — et je voudrais que cela puisse être ou devenir comme un genre, un genre de récit.»

L’auteur
Jean-Christophe Bailly
, né en 1949 à Paris, est l’auteur de nombreux livres recoupant la plupart des genres à l’exception du roman. Il a récemment publié Champ mimétique (Seuil, 2005), dont le présent livre prolonge en quelque sorte les préoccupations, Le Versant animal (Bayard, 2007) et L’Atelier infini (Hazan, 2007).