ART | EXPO

Likelihood/Unlikelihood

16 Mar - 28 Avr 2012
Vernissage le 15 Mar 2012

Les œuvres de John Beech associent des problématiques de volume, d’espace et de surface picturale, tout en mélangeant de nombreuses références issues de l’histoire de l’art. Par là, ces créations visent non seulement à défier notre perception des œuvres d’art, mais à faire voler en éclat les catégories auxquelles nous nous référons habituellement.

John Beech
Likelihood/Unlikelihood

John Beech, anglais d’origine, a poursuivi ses études et tout son développement artistique aux Etats-Unis, et s’est sans doute imprégné dès les années 70 de la culture pop et minimale. Pourtant, cet artiste n’a pas oublié ses origines, et son rapport à la culture picturale s’est nourri autant des mouvements européens que des postures américaines. De fait, il ne fait pas fi de ses sources et les invite dans sa pratique, les frottant les unes aux autres, les usant de façon contradictoire, retournant leurs concepts fondateurs.

Ses œuvres ont une prédilection pour des matériaux industriels qui sont alors utilisés pour leurs propriétés intrinsèques. Il y a là une sorte d’antagonisme entre la rusticité voire la brutalité du matériau, et le vocabulaire artistique inspiré par une tendance minimaliste.
De la même manière, John Beech applique sur des photographies monumentales de containers ou de bennes, des zones de couleurs monochromes, ou strie la surface avec de larges bandes colorées qui restructurent l’image.
Dans ses coatted drawings, il réussit à faire surgir l’abstraction d’une image photographique ancrée dans la réalité la plus brute. Dans le même geste, il confère une plasticité minimale à ces grands aplats apposés sur des volumes de forme géométrique, tout en déplaçant l’espace même de l’abstraction. La couleur est le principe qui gouverne la vision, elle envahit le réel comme le langage plastique. Sorte de contrepèterie plastique qui tord le sens de l’image ou du matériau par le perfectionnisme d’une lecture radicale. Pourtant toute trivialité est écartée de ces assemblages, car le rendu formel que l’artiste donne à voir à travers ses objets, sculptures, peintures, photographies ou sérigraphies est finalement très éloigné de leur origine. La terminologie formelle en usage devient ici instantanément obsolète car les surfaces sculpturales démontrent d’une appartenance à la peinture, tandis que la peinture s’immisce dans le volume, que les «dessins» ont autant à voir avec la peinture par leur surface qu’au collage par l’adjonction de bandes colorées, et, enfin, avec la photographie par le fond.

L’espace est sans cesse déstabilisé par les formes ainsi repérées dans les images ou fabriquées dans les objets-peintures, et par les volumes à double obédience sculpturale et picturale que l’artiste place en équilibre dans l’espace d’exposition. Partout où il est question de fonction et de disjonction, John Beech élimine l’usage premier des matériaux ou des formes industrielles pour leur redonner un déterminisme plastique et leur conférer une fictive notion d’usage inversant ici le détournement duchampien. Ses ensembles de sculptures ou plutôt d’objets peintures, les rotating paintings en sont un bon exemple, des surfaces peintes sur des bouts de bois bruts découpés sont munies absurdement de roues ou d’axes peuvent ainsi se mouvoir. Leur nomination proche de celle des roto reliefs de Duchamp n‘est évidemment pas innocente bien qu’on soit très éloigné de la dynamique cinétique du mentor.

Cependant, la continuité historique ne s’arrête pas là. Quand on analyse le travail de John Beech, nous avons une liste de référents à l’arrière de notre tête et, que nous l’apprécions ou pas, nous percevons quelque chose de dada, de surréaliste, proche du nouveau réalisme, ou du pop art. L’ère moderne, avant garde perpétuelle et vivace depuis un siècle a gagné la bataille. Ready made, paradoxes complexes, accumulations, simples formes géométriques, matériaux ordinaires, dynamique de l’espace resurgissent tous dans l’art de John Beech. Avec assurance, il reconnaît cet héritage mélangeant juste la bonne quantité de référence et d’innovation en défiant notre sens de la perception et notre mémoire.

Entre pop art et Duchamp, Beech nous livre une version «minimale trash» de l’abstraction car il redonne vie à la forme en la reconstruisant à partir du banal. Formellement abstrait, il nous livre des pièces «hardware» incrustées d’une réalité brute à l’opposé même du généralement «clean & glossy» de l’art minimal.

John Beech renvoie à une fonctionnalité décalée de l’objet et brouille les cartes avec un malin plaisir, en déplaçant les angles de la perception et en défiant nos habitudes cartésiennes à tout catégoriser. Le réel est la matière vivante que l’artiste expérimente et teste – sorte de fil conducteur à l’élaboration conceptuelle qui lui interdit l’enferment formel. De contingence, il devient le socle d’une démarche qui n’a de cesse de questionner l’usage et le plaisir de l’art.
Dans ses Å“uvres, il n’y a plus de religion ni de chapelle: la pensée est libre de se mouvoir, de se déplacer. Pourtant l’irrévérence de John Beech envers le minimalisme est toujours empreinte d’une rigueur constitutive, alors que l’ironie et l’ambigüité la libèrent de toute pesanteur et assurent un rôle poétique.

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