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Life is a Killer




Si l’on rattache communément John Giorno à la Beat Generation, c’est qu’il en est l’une des figures les plus marquantes au début des années 1960. A ses côtés dans l’écriture, Allen Ginsberg, William Burroughs, Brion Gysin et d’autres encore pour une aventure collective et le même désir d’entrevoir cette nouvelle perception du réel, à la fois plus onirique et plus écorchée.

Giorno affichera également une grande proximité avec les expérimentations artistiques émergentes, notamment celles d’Andy Warhol puisqu’il tiendra le rôle du «dormeur» dans Sleep, son film-performance en 1963.

 

En regard de son activité de performer, John Giorno se frotte depuis plusieurs années aux réalisations plastiques. La matière première de ce travail demeure le texte, plus précisément des extraits de ses poèmes. Des poèmes qu’il rédige pour les lire lui-même face au public. Giorno a toujours eu cette volonté de faciliter le passage du texte à son récepteur. Quitte à sortir la poésie de son environnement traditionnel, comme il le fera avec la Giorno Poetry Systems en inventant un service téléphonique d’écoute de poèmes (le Dial-a-poem).

 

Exit le schéma classique d’énonciation de la poésie. Giorno lit ses poèmes et les vit littéralement. Certains de ses «Poem Paintings», les plus petits, sont d’ailleurs préparés lors de ses tournées. Mais d’autres surfaces et d’autres techniques composent la palette de Giorno. L’exposition chez Almine Rech en révèle l’étendue et la grande force symbolique. En peinture ou en sérigraphie sur toile et sur le mur, c’est toute la surface de la galerie qui est mise à contribution.

 

Au résultat, une tapisserie gigantesque sur laquelle court sa pensée, libre et inquiète. Irradiée par des phrases nerveuses où les sentiments amoureux, le sexe croisent irrémédiablement l’impureté, la violence, la mort. Giorno laisse peu de répit à son spectateur-lecteur: ses litanies, à lire en anglais et quelque fois en français, se succèdent en se superposant, les échelles et les masses s’interpénétrant sans cesse. Jusqu’à l’étouffement. Jusqu’à la rupture. Car si l’immersion dans l’insupportable beauté/cruauté du monde, tel que la dépeint Giorno, est une réussite, pourquoi avoir joué

sur une scénographie tellement séductrice et réductrice? Un enchevêtrement de couleurs jusqu’à la saturation, des séquences d’accrochages et de dispositions au mur établies sur un rythme aussi prévisible que peuvent être tranchantes les phrases de l’Américain. Pourquoi ce manque d’ambition, cette spectacularisation neutralisée par le trop plein?

 

L’installation discrète d’une vidéo dans laquelle l’auteur parle face à la caméra livre enfin la passion, la brisure de ses mots dans un climat beaucoup moins saturé. John Giorno dans sa plus belle expression.




John Giorno





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Heavier than heaven, 2005. Acrylique sur toile. 50 x 50cm Big Ego, 2008. Crayons sur papier. 12,5 x 12,5 cm (encadré)

— Welcoming the flowers paintings, 2007. Encre sérigraphique, acrylique sur toile. 18 peintures. 50,8 x 50,8 cm (chaque)

— Dead cat bounce, 2005. Acrylique sur toile. 50 x 50 cm

— Millions of stars come into my heart, welcome today, 2006. Acrylique sur toile. 92 x 92 cm

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You got to burn to shine, 2008. Crayon sur papier. 38,5 x 38,5 cm (encadré)

 

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