DANSE | SPECTACLE

Festival d’Automne | Fúria

30 Nov - 07 Déc 2018

Avec Fúria, la chorégraphe Lia Rodrigues livre une pièce charnue, au plus près de l’énergie des corps en mouvement. Entre furie, fureur et fête, les dix danseurs composent une expérience collective jonchée d'images fortes. Une danse qui s'acharne à exister, en dépit des écueils.

Travaillant entre le Brésil et l’Europe, la chorégraphe Lia Rodrigues cultive une danse engagée. Sa dernière pièce, Fúria (2018), prend les traits d’une performance pour dix danseurs. Après la trilogie brésilienne — Pororoca (2009), Piracema (2011) et Pindorama (2013) —, Fúria prolonge cette dynamique houleuse. Là où les corps s’emmêlent et les éléments grondent. Danse intranquille, Lia Rodrigues la sculpte au travers de ses expériences, artistiques comme pédagogiques. Une nécessité notamment impulsée par le contexte de délabrement démocratique au Brésil. Auquel s’ajoute l’augmentation de la précarité, de la violence, des préjugés racistes, misogynes et homophobes. Soit un contexte qui pèse sur le mouvement des corps. Artiste associée à Chaillot – Théâtre National de la Danse, Lia Rodrigues a financé Fúria avec des fonds européens. Comme elle le note, le Brésil ne finançant plus ce type de créations, « repenser l’écologie d’un projet artistique est presque une question de survie. »

Fúria de Lia Rodrigues : l’énergie des corps individuels et du collectif

Cette approche écologique, Lia Rodrigues la traduit notamment par une exploration du recyclage. Des matériaux, mais aussi des pièces antérieures. Comme un tissu qui ne cesse d’être redéployé différemment, dévoilant à chaque fois de nouveaux possibles. Les corps, la voix, le groupe, l’individu, la fluidité qui irrigue ou dévaste… Autant de motifs qui reviennent dans Fúria, à la suite de Pindorama ou Para que o céu não caia (2016) [Pour que le ciel ne tombe pas]. Pièce contrastée, comme le laisse envisager son titre — fureur, en portugais —, Fúria joue également sur la polysémie. Fléau, délire, impétuosité, enthousiasme, folie… Mais aussi Érinyes : ces divinités ambiguës, tantôt vengeresses, tantôt gardiennes de la justice. La fureur et les furies puisant ainsi leur énergie au plus profond des corps et des esprits. Comme la danse collective de Lia Rodrigues, réduisant la distance entre danseurs et publics, dans une dynamique inclusive.

Dans un contexte houleux et contrasté : la danse comme radar pour s’orienter

Parlant de son travail, Lia Rodrigues cite Clarice Lispector, auteure brésilienne. « Si nous sommes le monde, nous sommes mis en mouvement par un radar délicat qui nous guide ». Et dans ce jeu de vases communicants globalisés, où la connexion entre les êtres se fait de gré ou de force, chacun se dirige comme il peut. S’orientant à la faveur de radars individuels et collectifs, aux sensibilités aussi variables que variées. Travaillant dans la favela de Maré (Rio de Janeiro, Brésil), Lia Rodrigues cultive une danse en forme de résistance en acte. Une danse qui compose avec les contrastes. « Nous allons danser en Europe dans d’excellentes conditions, et en même temps, ici, au Brésil, c’est la misère… ». Une situation paradoxale qui contribue au bouillonnement de Fúria. À retrouver pendant le Festival d’Automne 2018, au cÅ“ur du programme « Tous Humains » de Chaillot.

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