ART | EXPO

L’hypothèse des halos non lumineux

09 Mar - 20 Avr 2013
Vernissage le 09 Mar 2013

Avec ses peintures, Aurore Pallet plonge désormais dans les abysses, les grandes profondeurs sous-marines. Là, dans l’obscurité, en immersion, dans un monde froid, ses images se cristallisent et décident de surgir. La nuit, comme de la peinture noire, magiquement dense, permet paradoxalement toutes les nuances.

Aurore Pallet
L’hypothèse des halos non lumineux

«Quand un jeune peintre se hasarde à une première exposition, autrement dit quand il s’expose, il y a toujours du danger dans cette aventure. Le peintre est comme un soldat qui jaillit hors de sa tranchée pour se lancer vers l’ennemi.

À part qu’ici le danger est caché. Il est même inconnu. Il ne vient pas des mitrailleuses et des baïonnettes (encore que les critiques, quelquefois…), mais des regards qui vont se poser sur lui, sur elle. Et d’abord, y aura-t-il des regards ? Des regards d’aujourd’hui, les seuls, pour le moment, qui importent ?

Chaque artiste qui se propose, et qui du même coup s’expose, lance un large appel au regard. À notre regard. Il sait que, sans cet appui, il n’est rien. Il compte sur ce retour, le seul qui peut donner vie et sens à son travail.

Ainsi le peintre, qui travaille seul, est le moins solitaire des artistes. Il a besoin des autres. Il lui faut cette réponse de l’inconnu, de l’invisible, qui va lui révéler, le moment venu, ce qu’il ne savait pas de lui-même.

Aurore Pallet n’a rien à expliquer. Elle fait. Mais elle a besoin de nous pour savoir si quelque part elle a soulevé un écho, trouvé une réponse – même imprécise, même hésitante. La canne blanche indique à l’aveugle l’obstacle qu’il doit éviter. Notre regard apporte au peintre ce qu’il était incapable de voir.
Dans l’immensité incohérente du cosmos, une petite lumière vient d’apparaître. Regardons-la, avec nos yeux. Alors le peintre pourra nous avouer: Dites-moi ce que vous voyez, je vous dirai ce que j’ai fait.

Jean-Claude Carrière

«Avec ses peintures, Aurore Pallet plonge désormais dans les abysses, les grandes profondeurs sous-marines. Là, dans l’obscurité, en immersion, dans un monde froid, ses images se cristallisent et décident de surgir: là et nulle part ailleurs. «C’est dans la nuit que l’on peut enfin entrevoir les formes», explique-t-elle; la nuit comme de la peinture noire, magiquement dense, permettant paradoxalement toutes les nuances, les plus beaux glacis, et toutes les transparences.

Aurore Pallet s’intéresse à l’astrophysique, à la matière noire — matière inconnue, non détectée, composant hypothétiquement une grande part de l’univers, et pourtant non identifiable et non quantifiable — à toutes ces choses que l’œil humain ne pourra jamais voir, à la mesure d’une immensité que l’on ne pourra jamais comprendre. La peinture est une tentative pour attraper ces incommensurables mystères, qui sont aussi ceux des souvenirs de l’enfance, ceux des cauchemars que l’on fait dans la plus grande solitude et qui nous laissent abandonnés dans la terreur nocturne, ceux des fantômes qui nous effraient alors que nous savons bien qu’ils n’existent pas.

Aurore Pallet me parle ainsi de Guy Maddin, des voix que le cinéaste dit entendre dans sa maison d’enfance et du Cauchemar de Fussli, démon horrifiant assis sur le ventre d’une belle endormie, et finit par conclure: «nous sommes hantés par des fantômes, mais nous sommes aussi des fantômes, nous laissons bien notre reflet dans les miroirs». Et il y a beaucoup de reflets dans les peintures, de jeux sur le double, la symétrie, l’inversion, les passages constants de l’image réelle à l’image virtuelle.»

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