ART | CRITIQUE

Les Solitaires

PSarah Ihler-Meyer
@17 Sep 2010

Le grotesque s’affiche sans complexe dans les peintures et les dessins d’Hippolyte Hentgen dont les chimères sont plus amusantes que dérangeantes. Ce qui ne va pas sans une étrange réification du genre humain.

Dans les peintures et les dessins d’Hippolyte Hentgen, un duo d’artistes composé de Gaëlle Hippolyte et de Lina Hentgen, des personnages sont surmontés de têtes de monstres, des pieuvres luttent dans la neige contre des cornes de rhinocéros, des branches poussent sur des oiseaux, des troncs d’arbre sont affublés de bras, des cordes s’animent et vaquent à de mystérieuses occupations.

On pense ici à Moriceau et Mrzik, spécialisés dans la création d’êtres hybrides et de saynètes absurdes, à Bill Plympton, lui qui excelle dans la réalisation d’animations aux mille et une métamorphoses, mais aussi à Robert Crumb et à ses femmes aux cuisses galbées.

Certains diront que les œuvres d’Hippolyte Hentgen sont pétries de l’atmosphère propre à la peinture métaphysique. Quelques unes de ses toiles contiennent en effet des mannequins animés évoquant ceux de Giorgio di Chirico. Pourtant, le style naïf des figures, la rondeur des formes, l’aspect bon enfant des monstres et le ridicule des situations dépeintes par ce duo d’artistes écartent tout sentiment d’inquiétante étrangeté.

S’il y a mélancolie, celle-ci est moins du côté de l’épreuve des formes que de la réflexion qu’elles suscitent. Car, si les objets et les animaux font l’objet d’une anthropomorphisation, les êtres humains sont en retour privés de leurs visages et de toute subjectivité apparente: le genre humain est soumis à une réification, c’est-à-dire réduit à l’état d’objet. Ici pointe peut-être une critique de la société industrielle et post-industrielle.

Mais plus essentiellement encore, le burlesque des chimères et des situations dépeintes par Hippolyte Hentgen renvoie aux impasses de la création: «La pratique du dessin est donc un moteur joyeux, mais c’est aussi la manifestation paradoxale d’un constat plus mélancolique qui nous renvoie à nos propres limites et à nos propres incapacités à changer le monde via notre condition d’artiste» (Hippolyte Hentgen).

— Hippolyte Hentgen, Nous deux, 2009. Acrylique et encre sur papier. 69 x 112 cm.
— Hippolyte Hentgen, Whirl gigs, 2009. Acrylique et encre sur papier. 72 x 110 cm
— Hippolyte Hentgen, Solitaire I, 2010. Acrylique sur bois. 190 x 120 cm.
— Hippolyte Hentgen, Solitaire II, 2010. Acrylique sur bois. 190 x 120 cm.
— Hippolyte Hentgen, Les Germes, 2010. Acrylique sur bois. 98 x 165 cm.
— Hippolyte Hentgen, Oiseau, 2010. Acrylique sur bois. 65 x 50 cm.
— Hippolyte Hentgen, Oiseau I, 2010. Papier peint et découpé, bois, résine, flèches, verre et moteur. 64 x 36,5 x 36,5 cm.
— Hippolyte Hentgen, Oiseau II, 2010. Papier peint et découpé, bois, résine, verre et moteur. 51 x 27 x 27 cm.
— Hippolyte Hentgen, Oiseau III, 2010. Papier peint et découpé, bois, résine, verre et moteur. 65 x 31 x 31 cm.

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