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Les Rogers

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@12 Jan 2008

Selon Les Rogers, tout a été dit, tout a déjà été fait, tout doit maintenant être dépassé : l’heure est au « Post-tout ». Dépassés le Pop-Art, l’Expressionisme, le Kitsch dans leurs versions post et néo. Il ne reste plus que la peinture.

« Déconstruire », dit-il. Le terme de déconstruction s’inscrit avec toujours plus d’insistance dans la pratique de Les Rogers. Déconstruire le champ pictural, en faire le lieu d’une expérimentation permanente. L’enjeu est bien de triturer tout ce qui est forme identifiable, de le réduire à l’état de chaos.

La peinture de Les Rogers se présente comme un ensemble de citations, de références — Picasso, Guston, Chardin, Courbet, Baselitz, etc. —, un système de tissage où des espaces interfèrent, disparaissent pour reprendre consistance dans une autre partie de la toile, sous une autre forme. Et notre regard, pris au piège, cherche une issue dans ce dédale ou plutôt tente d’en épuiser la complexité. Lui est offert en pâture un ensemble de signes, biffures, taches, fragments réalistes imbriqués. L’oeil circule, glisse d’un plan à l’autre, d’un fragment à l’autre aussi dissemblables, mais qui sont faits d’une seule et même matière : la peinture. Car si Les Rogers revendique un statut, c’est bien celui de peintre. La peinture en perpétuelle réinvention.

Tout a été dit, tout a déjà été fait. Tout doit maintenant être dépassé. Ainsi basculons-nous dans ce qu’il nomme le « Post-tout ». Dépassés le Pop-Art, l’Expressionisme, le Kitsch dans leurs versions post et néo. Il ne reste plus que la peinture.
Une évolution radicale a conduit Les Rogers d’un réalisme ayant l’immatérialité des images publicitaires sur papier glacé à une peinture lacérée, triturée. Dans Tiny Dancer subsiste un fragment de cette forme primitive — hanches de femme habilement maîtrisées dans une transposition quasi-hyperréaliste —, mais très vite surchargé de larges striures d’une facture généreuse, des aplats, des coulures.

Ici, le discours s’épuise. Les mots sont inappropriés pour cerner la démarche. Aussi, Les Rogers évacue-t-il toute tentative de conceptualisation. La peinture doit s’imposer d’elle-même, devenir objet essentiel. En mars 2002, dans les œuvres exposées à la galerie Leo Koenig de New-York le travail de déconstruction était largement avancé, servi par une grande virtuosité picturale, dans un esprit qui s’apparente à celui des écoles américaines et allemandes. Les peintures présentées chez Suzanne Tarasiève ne jouent plus de cette séduction. Elles ont gagné en gravité. Plus compactes, elles composent avec des effets de masse, de violentes oppositions, des dissonances.

Les Rogers nous entraîne dans les profondeurs de la peinture, joue de ses propriétés comme ont su le faire des artistes phares, Courbet, Manet, des artistes souvent cités à qui il sait gré d’être sortis du discours aliénant, idéologique. Un combat mené avec les seules ressources de la matière picturale, un combat d’une brutalité dérangeante qu’il se complait à livrer d’une toile à l’autre. Cette posture à haut risque il la revendique comme la stratégie la plus sûre pour conjurer le déni de peinture.

Les Rogers :
— The Desperate Man, 2004. Huile sur toile. 213 x 152 cm.
— Everything is Broken, 2004. Huile sur toile. 172 x 137 cm.
— Immigrant Song, 2004. Huile sur toile. 213 x 335 cm.
— Isle, 2004. Huile sur toile. 137×170 cm.
— Nubile Sway, 2004. Huile sur toile. 213 x 335 cm.
— Quarry, 2004. Huile sur toile. 228 x 228 cm.
— Ravages, 2004. Huile sur toile. 152 x 122 cm.
— Tiny Dancer, 2004. Huile sur toile. 91 x 73 cm.
— Women Recliners, 2004. Huile sur toile.244 x 305 cm.

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