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Les Nouveaux Réalistes

Klein, César, Arman, Christo, Hains, Restany, Tinguely, etc. Tous connus et reconnus et tous Nouveaux Réalistes. Beaucoup d’illustrations pour accompagner un texte concis sur ce groupe phare des années 1960, et éclairer les amoureux des arts en quête de découverte.

— Éditeur : Cercle d’art, Paris
— Collection : Découvrons l’art
— Année : 2002
— Format : 31 x 24,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 63
— Langue : français
— ISBN : 2-7022-0670-0
— Prix : 14,90 €

Les Nouveaux Réalistes dans le XXe siècle
par Claude Mollard (extrait, pp. 5-6)

« Nouveau Réalisme » ou « Nouveaux Réalistes » ? Pierre Restany utilise les deux expressions. Mais, si les « Nouveaux Réalistes » désignent les douze artistes réunis de 1960 à 1963, le Nouveau Réalisme, à ses yeux, est moins une doctrine qu’une méthode :
Fonder une méthodologie de l’expression à partir du geste appropriatif, ordonner le constat du réel en un langage, telles furent les préoccupations majeures des Nouveaux Réalistes. Cette définition « comportementaliste » associe des pratiques d’artistes relevées par Pierre Restany comme pouvant contribuer à faire sortir la création des limites de l’art abstrait des années 50.

1. Les origines

Il y trouve la réponse à ses interrogations sur les excès et les impasses du subjectivisme en art par des conduites d’appropriation de l’objet : il révèle ainsi une nouvelle génération d’artistes qui, au lieu de fuir le réel dans une abstraction froide ou lyrique, dans le nuagisme ou le matiérisme par exemple, érige au contraire l’objet industriel en matériau de la création pour le détourner, le magnifier, le tourner en dérision, ou pour de tout autres fins. L’essentiel est dans la réalisation réaliste et objective.

L’apologie de l’objet anonymement produit par la société de production-consommation

Celle-ci trouve ses origines dans le mouvement Dada et chez Marcel Duchamp. « À quarante degrés au-dessus de dada », écrira Pierre Restany, comme pour exprimer que les artistes informels abstraits et autres tenants de l’art brut se réclament à tort de Dada, lui faisant cautionner abusivement toute la peinture du geste. Mais elle y perd ses repères. N’étant « assujettie qu’à l’urgence expressive du créateur, elle devient un acte de plus en plus gratuit, menacé d’automatisme et perdant sa signification pour autrui. » Cette critique de la situation de l’art contemporain en manque d’intersubjectivité est partagée par des philosophes comme Luc Ferry, lorsqu’il caractérise l’art contemporain par son éclatement subjectiviste : « Il n’y a plus de monde commun évident, mais une pluralité de mondes particuliers à chaque artiste, plus un art français, allemand ou italien comme on eût dit « l’art grec », mais une pluralité infinie de styles individuels ».

À partir du même constat, Pierre Restany va revendiquer l’héritage de Dada pour reconstruire l’art sur la réalité et l’appropriation de l’objet. Ce n’est pas par hasard qu’il propose une nouvelle méthodologie et la création d’un vocabulaire pictural. Et de répondre ainsi, pense-t-il, à la question de la mort de l’art annoncée par Nietzsche et quelques-uns de ses successeurs.

Le Nouveau Réalisme signe l’entrée de la sociologie dans l’art par le « baptême de l’objet » annoncé par Marcel Duchamp. Restany y voit la préfiguration d’une renaissance de la création sous d’autres formes : « L’homme d’aujourd’hui est ivre de progrès et de vitesse qui veut en s’exprimant, compléter et parachever sa conquête du monde. L’urgence expressive s’identifie à l’appropriation du réel, toujours plus directe et plus totale… Les ready-made prennent un sens nouveau : ils traduisent le droit à l’expression de tout un secteur spécifique de l’activité moderne, celui de la ville, de la rue, de l’usine, de la production en série … » Et de poursuivre : « Le groupe que j’ai constitué initialement autour de Tinguely, Klein, Arman et Hains n’est pas exclusif. Le Nouveau Réalisme définit une orientation générale, un état d’esprit, une certaine phénoménologie de l’expression. C’est un parti pris appropriatif, un point de vue, une position de l’expressivité plus immédiate, plus directement sociologique, plus réaliste en un mot que le néo-dada. » Pierre Restany propose ainsi aux artistes une perspective en dehors de leurs projets purement subjectifs de création, une sorte de dénominateur commun.

Il publie son premier manifeste pour le Nouveau Réalisme à Milan le 16 avril 196o. Il lui faut maintenant s’appuyer sur un groupe pour donner un visage concret à sa pensée : ce sera la déclaration de constitution du Nouveau Réalisme, le 27 octobre de la même année. Le Nouveau Réalisme s’inscrit désormais dans la vie de Pierre Restany comme une véritable ligne de conduite, qui l’incite à s’intéresser aujourd’hui aux relations entre les arts et les nouvelles technologies ou la communication. Il est une nouvelle grille de lecture de l’art, une révolution du point de vue sur la création, victime, à ses yeux, d’une conception singulièrement éthérée de la vie et du monde et qu’il ambitionne de restaurer. Les Nouveaux Réalistes sont le groupe créé par lui pour illustrer cette nouvelle approche de l’art, dans un espace-temps propre aux années 60.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Cercle d’art)