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Les danses de feu

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@17 Sep 2008

Revoir son père au Royaume des morts, tel est le thème du Chant VI de l’Enéïde de Virgile qui a inspiré la dernière création de la compagnie lyonnaise Anou Skan.

Cette descente aux enfers, Sophie Tabakov ne pouvait y rester insensible. Puisant dans son histoire familiale — un grand-père bulgare condamné à mort sous Staline et qui, pour tout héritage, légua son manteau à son fils, avant d’être sauvé in extremis — la chorégraphe revisite cette période tragique entraînant Anou Skan dans une lente et silencieuse approche du Chant VI.

Mais parle t-on encore de danse dans la chorégraphie de Sophie Tabakov ? Cette déambulation extatique ne s’approche t-elle pas davantage d’une forme de théâtre dansé, de pantomime, de mise en mouvement d’un texte à la beauté grandiose dit avec une grave ferveur par le comédien Philippe Vincenot ?

Les trois danseurs : Bérengère Valour, Laurent Soubise et Sophie Tabakov, évoluent dans la pénombre et le silence, écrasés par le manteau qui entrave leurs mouvements. Et l’on sent tragiquement la partie perdue d’avance. Car Virgile ignorait le concept de résilience, cette capacité à rebondir après le malheur. Pas nous…

Anou Skan — dont le nom vient d’Anou, dieu assyrien, symbolisant ce qui est rythmé, stable et ordonné et de « Skan » qui désigne chez les Sioux le concept du mouvement, aussi bien le vent, qu‘un échange de paroles — a été fondée il y a 15 ans par Laurent Soubise et Sophie Tabakov .
S’enrichissant de tous les registres de la danse classique, contemporaine et ethnique, Anou Skan crée des œuvres inspirées, chants, danse et textes mêlés : Temps de feu, Labyrinthe lumière ou Scène nomade. Ses recherches s’enracinent dans la quête d’un lien qui n’a pas disparu, creusent la notion de transmission et de transformation des choses, font appel à des archaïsmes, des rituels magnifiés, investissent les sens perdus. Elles interrogent la permanence des rites autour de la Méditerranée, dévident le fil d’Ariane, questionnent l’éternité de la Grèce mais s’enrichissent tout autant d’un travail que Sophie Tabakov a réalisé sur les danses Sioux.
Et de la tradition, Anou Skan prend cette manière d’être au corps où le mouvement naît de l’intérieur, se doit d’être ressenti, vécu, anticipé , avec cette lenteur revendiquée par Laurent Soubize. 

« On peut qualifier ma démarche d’ethno-anthropo et ma danse d’autobiographique, remarque Sophie Tabakov. Il faut que je sente à quoi je suis reliée, et que j’éprouve ma capacité de réinterprétation, d’invention, de liberté. C’est ma contribution à la danse contemporaine […]. Mon rapport au sacré est une référence à ce que la nature en elle-même a de sacré. Que fait d’autre le danseur sinon célébrer le sol, l’espace ? »
Le public jugera…

Pièce pour 3 danseurs et 1 comédien-récitant
— Direction artistique : Sophie Tabakov et Laurent Soubise
— Chorégraphie : Sophie Tabakov

— Danseurs : Sophie Tabakov, Bérengère Valour, Laurent Soubise
Comédien-récitant : Philippe Vincenot
Création lumières : Christine Richier
Création musicale : Borys Cholewka

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