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L’Empire

13 Sep - 31 Oct 2008

Les oeuvres de Nicolas Milhé prennent l’aspect d’un minimalisme polie mais révélent rapidement leur part d’ironie en mettant le spectateur tour à tour dans une position d’observateur et d’observé.

Communiqué de presse
Nicolas Milhé
L’Empire

Contrefacteur de cartes géographiques, coutumier des citations architecturales et blanchisseur de drapeaux, Nicolas Milhé a, entre autres, exposé à Rennes un module identique à ceux qui forment le mur frontalier séparant Israël et la Cisjordanie, noyé la Suisse dans le lac de Genève, projeté des pyramides des âges en barres d’immeubles modernes…

Pour cette première exposition personnelle à Marseille, qui prolonge celle intitulée «Star War» intentée à la Vitrine de l’Enspac à Paris l’an dernier, la paranoïa va toujours bon train et la situation continue de s’envenimer. Ce second volet reprend en partie la première proposition, avec la même construction bipolaire, voire duelliste, et use du même minimalisme ironique. Sur l’échelle de dangerosité que présentait Low to severe dans cette précédente exposition, la tension est incontestablement montée d’un cran.

Ici, comme pour «Star War», deux grands miroirs extraits de l’ensemble des Constellations se font face de part et d’autre de la pièce, leurs surfaces criblées de judas dessinent les constellations du Cancer et du Capricorne.

Au fond de l’espace un monolithe noir laqué, percé lui aussi, laisse apparaître un fin rai de lumière. Il faut faire le tour de ce volume pour prendre la mesure de cette sculpture qui reproduit un dispositif architectural que l’on retrouve des châteaux forts médiévaux aux bunkers modernes, celui de la meurtrière. Une section trapézoïdale pratiquée dans l’épaisseur d’un mur permet au tireur retranché de dégager le champ de tir tout en le gardant à l’abri des projectiles. Ce «motif» emprunté à l’architecture militaire, ici transfiguré en sculpture minimale joue à plein son rôle de machine de vision: par nature il sépare les spectateurs en deux catégories suivant qu’ils se trouvent d’un côté ou de l’autre de l’objet en question, observateur ou spectateur observé.

En maître d’oeuvre (laissant le soin de la fabrication à des spécialistes), se réservant la partie programmatique : le dessein et le titre, l’artiste produit des formes acérées, des constructions mentales qui renvoient par réflexion à une réalité glaçante. Ce à quoi nous avons affaire ici est lisse, extrêmement lisse, au point que les matériaux disparaissent au profit des reflets que génèrent leurs surfaces. Mais si la facture polie de ces oeuvres les rapprochent des lignes claires et du lissé des sculptures de John MacCracken et des jeux d’optique de James Turrell, les motivations de Nicolas Milhé sont à chercher du côté de Paul Virilio et Yves Lacoste.

Sur le mode dangereux de la fascination, «L’Empire» brouille les notions d’image et de point de vue : cantonnés dans les abyssales perspectives de miroirs, sous l’oeil des judas, pointés dans un viseur géant, d’une face à l’autre des Constellations et/ou de la Meurtrière, les allers-retours sans fin de notre reflet nous emprisonnent dans la surface de ces choses. La position de regardeur glisse inmanquablement vers celle de la cible.
Cette expérience in vitro renvoie à des situations aussi triviales que celle, par exemple, de la vidéosurveillance. En l’occurrence, la multiplication des perspectives, l’asymétrie de l’espace et les effets de feedback que subissent nos propres images nous interdisent ici toute conclusion définitive.

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