DANSE | SPECTACLE

Artdanthé | Fun!

19 Mar - 19 Mar 2019

Les parcs d'attraction sont des lieux de bonheur. Des lieux de production de bonheur à la chaîne. Mais quels sont les secrets de ces machines à produire des gens heureux ? Avec Fun!, la chorégraphe Lea Moro en décortique la mécanique sensorielle. Dans la joie et la bonne humeur.

En 1984 sortait l’un des albums-clés de la culture hip-hop : Unity, d’Afrika Bambaataa et James Brown. Avec son refrain euphorisant, « Peace, Unity, Love and Having Fun ». Le Fun, la joie, un autre personnage fédérateur en a également fait son moteur existentiel : le philosophe Baruch Spinoza. Et c’est au tour de Lea Moro de s’emparer de la chose. Avec la pièce Fun! (2017) — un spectacle pour cinq interprètes, en forme de parc d’attraction. Lieu entièrement dédié au plaisir et à la satisfaction, Lea Moro en décortique ainsi les articulations pour livrer une pièce autour des gimmicks du plaisir sur commande. Glossaire des attractions les plus efficaces, Fun! déplie une chorégraphie du bonheur à échelle industrielle. Le glissement, les montées et descentes brusques, les mouvements répétitifs d’avant en arrière, mais aussi la pop sucrée et colorée… Le tout porté par des danseurs autant usagers de ce parc fictif, qu’attractions eux-mêmes.

Fun! de Lea Moro : un joyeux parc d’attraction chorégraphique

Comme le plateau d’un jeu de l’oye, le plan de scène de Fun! déplie ses trésors. Côté attractions, il y a les classiques du bonheur : le tunnel de l’amour, la plage de caramel, le lagon lollipop, la grande roue, mais aussi la fusée lunaire… « Le bonheur, c’est notre business » [Happiness is our business] : avec Fun! Le plaisir est une affaire sérieuse et rien n’est laissé au hasard. Si les industries culturelles et récréatives ont déjà connu un grand nombre de déconstructions conceptuelles, École de Francfort en tête, Lea Moro en propose une lecture plus sensorielle encore. Plongeant plutôt dans la mécanique chorégraphique du parc d’attraction. Mais attention, il ne s’agit pas de prêcher le rigorisme. L’ironie acidulée de Fun! n’est pas sans procurer quelques satisfactions. Il y a de l’absurde et de l’humour dans ce défilé de formes carnavalesques. Quand les performeurs, souriant, engendrent leur grande roue-éventail.

Une auto-psy dansée des industries récréatives dans la société du spectacle

Car oui, lorsque l’injonction dominante est celle de la joie, et quand les parcs d’attraction sortent des films d’horreur pour devenir des stars d’Instagram, il y a de quoi chercher la sortie. Avec Fun! Lea Moro ouvre des brèches dans la mécanique huilée du bonheur sur commande. Tout en ménageant, par l’absurde et le clown, une certaine légèreté dans la charge. Société du spectacle, du parc à la scène : qu’est-ce qui échappe au phénomène ? Et sans aller jusqu’à parler de diktat, force est d’admettre que l’impératif du fun ne vient pas sans contraintes. Y compris formelles, jusque dans dans la danse. Performance chorégraphique focalisée sur les micro-mécaniques de la joie, Fun! en livre ainsi quelques clefs. Pour un étrange périple dans un étrange parc d’attraction, où les danseurs incarnent, par leur corps, ce qui fait le succès des machines à bonheur.

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