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Le Style

PStéphanie Katz
@12 Jan 2008

Sous des dehors festifs et ludiques, d’installations design en propositions décoratives, Stéphane Calais pourrait bien être en train de nous alerter sur la menace d’assimilation qui pèse sur l’art en général, et les arts plastiques en particulier.

A en croire les apparences, ou à se fier à certaines lectures rapides, Stéphane Calais chercherait à brouiller les pistes. Artiste polymorphe et explorateur de matériaux en tous genres, il multiplie si bien les supports, les médiums et les stratégies plastiques qu’il devient improbable de déterminer l’invariant qui court d’une proposition à l’autre.

Tranchant ainsi catégoriquement avec les choix des artistes des années 70 et 80 désireux de se rendre reconnaissables par une posture esthétique récurrente, Stéphane Calais insiste plutôt sur un processus de création toujours en mutation, pris dans un flux ininterrompu de références hétérogènes, selon une logique de métamorphose quasi-organique qui procéderait par greffes, mutations, ou transplantations. Une oeuvre qui semble mue par une lente vie interne en quelque sorte, à la manière des fleuves ou des nuages.

Toutefois, à jouer ainsi à cache-cache derrière ses vagabondages ludiques, le travail de Stéphane Calais semble toujours au bord d’une catastrophe. En effet, il n’est pas si simple pour le spectateur de se dégager d’une attitude ludique et sautillante, pour entrer dans la profondeur du propos du travail de l’artiste. Et une fois encore, dans la galerie Jocelyn Wolff, celui-ci flirte avec le feu du divertissement visuel quand il glisse d’un grand format peint tout à fait décoratif, à l’accrochage d’un feuilletage de calques transparents habillés d’un élégant tracé noir, jusqu’à une intervention picturale abstraite appliquée à même le mur.
Toute intention semble ici s’évaporer dans un pur sentiment d’exaltation plastique, comme dissoute dans la légèreté heureuse de la proposition.
C’est qu’il faut sans doute y regarder de plus près, et tenter de briser le sourire de façade qui flotte dans l’air comme celui du chat d’Alice au pays des merveilles.

En définitive, si l’on reprend l’ensemble des installations de Stéphane Calais, nous pourrions bien entendre quelque chose comme une tentative désabusée d’adaptation de son activité d’«animateur de surfaces» à l’interdit catégorique contemporain de se tenir immobile.
Semblable à celui qui ne doit pas arrêter de danser parce qu’on lui tire dans les jambes, l’artiste d’aujourd’hui dont nous parle Stéphane Calais ne doit jamais s’approprier un territoire fixe, sous peine de voir se refermer sur lui le piège de la capture spectaculaire.
Stéphane Calais a si bien intégré la menace, qu’il semble chercher à progresser masqué, insaisissable comme le caméléon qui adopte les couleurs de son territoire de passage.
La posture pourrait sembler légère, si elle ne venait tout naturellement nous parler du statut du simple dessin, voire de la peinture, aujourd’hui. Car en effet, depuis ses lampions colorés, jusqu’à ces feuilletages plastifiés, en passant par l’ensemble de ses interventions picturales à même les murs, Stéphane Calais semble être engagé dans une course folle qui consisterait à sauver coûte que coûte la peau d’une pratique plastique en voie de dissolution.
Ici la couleur cachée dans la luminosité d’un lampadaire, là une abstraction graphique dissimulée sous les apparences d’un papier peint, ailleurs un dessin en noir et blanc, tout à fait narratif, qui joue au graffiti, encore plus loin un tapis volant qui n’est rien d’autre qu’un tableau maquillé en piste de skate, prennent ensemble la défense d’une création qui doit avancer masquée pour ne pas être réduite au silence.

Si bien que, sous des dehors festifs et ludiques, d’installations design en propositions décoratives, Stéphane Calais pourrait bien être en train de nous alerter sur la menace d’assimilation qui pèse sur l’art en général, et les arts plastiques en particulier.
Avec un petit peu d’avance, Stéphane Calais était donc dans le ton des dernières Nuits Blanches parisiennes. Car, comme toujours, à la veille des catastrophes, résonne dans l’atmosphère toutes sortes d’exhortation à la fête qui devraient peut-être nous alerter sur ce que l’on cherche à nous faire oublier…

Stéphane Calais
— 3 stones, 2007. Bois, peinture, encre et affiche. 210 x 160 x 10 cm.
— Une conversation, Une charte, 2007. Ballon, fil de coton. 105 x 25 x 25 cm.
— nnbz, 2007. Plexiglass, ballon, plastique, éventails, rubans. 51 x 50 x 40 cm.

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