ART | EXPO

Le Récit et la condensation

11 Oct - 24 Fév 2014
Vernissage le 11 Oct 2013

Première rencontre dialectique entre Georg Baselitz et Eugène Leroy pour qui le sujet est la peinture. L’exposition exceptionnelle présente le dialogue entre ces deux artistes, avec un ensemble de près de quarante tableaux de très grands formats de Baselitz et d’une vingtaine de peintures d’Eugène Leroy.

Georg Baselitz, Eugène Leroy
Le Récit et la condensation

Baselitz, artiste majeur de l’histoire de l’art contemporain, peint depuis 1969 ses figures la tête en bas. Il les vide ainsi de leur contenu et laisse la peinture devenir son propre sujet. Eugène Leroy quant à lui s’identifie à la peinture. Ses sujets ne sont que prétexte à explorer, par le matériau et les instruments spécifiques de la peinture, ce qu’il nomme la lumière.

Tous deux tentent de «forcer le secret du figuratif et du non figuratif» de la peinture, de percer ce qui fait «sa force et sa faiblesse», c’est-à-dire le visible. Rainer Michael Mason, commissaire de l’exposition: «Georg Baselitz est le Protée de la peinture allemande depuis bientôt cinquante ans. Il n’a cessé d’inventer, de rebondir —et de surprendre.

Certaines œuvres, comme La grande nuit est foutue (1962-1963) ont même pu scandaliser. Mais ce qui retentit sans désemparer depuis 1969 sur la scène de l’art comme une illustre provocation est le renversement des images: l’artiste allemand peint, dessine et grave ses sujets tête en bas. Si Baselitz avait jusqu’alors toujours travaillé à l’huile sur toile avec une matière-couleur déposée, ou parfois grattée, avec une très forte présence, le tournant de 1996 va marquer une rupture dans sa technique. Dorénavant, il exécute ses tableaux —le plus souvent de très grand format— à plat sur le sol, avec une peinture fluide, leste, qui évoque le lavis, voire l’aquarelle, et qui privilégie parallèlement le dessin.

Tiré d’un album de photographies de famille, un groupe d’œuvres donne exemplairement corps à cette nouvelle méthode picturale mise au service cette année-là d’une veine illustrative et narrative inattendue. Père, mère, frères et sœur font écho de leurs effigies aux autoportraits de Georg Baselitz (né Kern, à Deutschbaselitz, en Saxe), quand tous ne sont pas réunis à la faveur d’une grande peinture d’histoire (tout à la fois de famille et de l’art), dans Nous visitons le Rhin (1996). Il était tentant de confronter ce discours qui mêle avec beaucoup d’allant, chez un Baselitz par ailleurs amateur sincère d’Eugène Leroy, récit, couleur et croquis déliés à la peinture chargée de batailles, d’épaisseurs et de saturations dans quoi s’immerge la figure chez le maître de Tourcoing hanté par une sensualité aveugle.

Baselitz, à la fois admiratif et critique, pense être à tout le moins l’un des «inventeurs» de Leroy en ayant contribué au début des années 1980 à donner à ce dernier une visibilité européenne (exposition chez Michael Werner, à Cologne). Dans un grand entretien publié dans le catalogue d’exposition, Georg Baselitz revient longuement sur son attachement à cette figure fascinante de l’auteur d’une peinture étrange qui lui est en fait opposée.»

Eugène Leroy n’a eu de cesse tout au long de sa vie de tenter de toucher le rapport entre la forme, la couleur et les sensations, c’est-à-dire: la lumière. Obstinément, il a cherché à se défaire du sujet, de la ressemblance comme de la vraisemblance. Il a enfoui inlassablement les figures dans un magma de couleur mais pour mieux les retrouver. Sa lumière est un jeu paradoxal entre l’atmosphère physique et colorée et l’atmosphère propre aux sensations personnelles: «Je me reproche beaucoup d’avoir tiré la peinture à moi, dans le sens de la vie, du bonheur, de tout ce que vous voulez, mais tout ce je fais —je dirais presque depuis le premier jour—, c’est un petit peu comme dans les romans courtois, le bonhomme qui doit courir après l’aventure, ne cessant d’aller vagabonder, femme en croupe, pour montrer où toucher le merveilleux. Eh bien, la peinture je voudrais bien un jour la toucher. La toucher tout simplement.» Première expérience d’une confrontation directe et exclusive d’un artiste avec l’œuvre de Georg Baselitz.
Commissariat: Rainer Michael Mason

Catalogue: Georg Baselitz—Eugène Leroy. Le récit et la condensation, 144 pages, 23×30 cm, bilingue Fr/En, 70 illustrations couleur, avec des textes de Rainer Michael Mason et les avantpropos d’Evelyne-Dorothée Allemand et Yannick Courbès.

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