DANSE | SPECTACLE

Le nombre d’or (live)

20 Jan - 25 Jan 2012

Il y a eu les béquilles et les chaussons de pointes, les griffes et les cornes, les prothèses sexuelles. Il y a aujourd’hui les masques, peaux blafardes ou recouvertes d’images et de photos, visages projetés sur d’autres visages. Ce nouvel accessoire de la chorégraphe Marie Chouinard signe l’esthétique intrigante de sa pièce Le nombre d’or (live).

Marie Chouinard
Le nombre d’or (live)

Inutile de chercher dans le titre, qui s’est imposé à la toute fin des répétitions, un quelconque indice sur ce spectacle pour quatorze interprètes. Sans doute, comme souvent chez Marie Chouinard, a-t-il trouvé son mystérieux équilibre dans le jusqu’au-boutisme avec lequel comme toujours cette femme excessive mène son travail.
La magie Chouinard – il en existe bel et bien une depuis ses premières apparitions dans les années 80 – résulte, entre autres, de la terrible passion des corps qu’elle met en jeu et de la tout aussi terrible exploration du geste chorégraphique qu’elle finalise sur le plateau.
On se souvient de la façon dont cette chamane moderne raconte comment à ses débuts de chorégraphe, elle s’enfermait seule des journées entières dans un studio pour faire et refaire à la barre des exercices de danse classique. Comment à force d’insister, des gestes insolites lui ont soudain échappé, éclatant la carapace de l’académisme dans laquelle son corps avait été enfermé. C’est ainsi que son premier solo est né. Ainsi, que sa gestuelle éruptive, organique, curieusement sauvage et savante, a trouvé sa voie.

Cette détermination forcenée dans le travail et la foi dans les richesses infinies de l’humain emportent Marie Chouinard sur des sommets fort peu explorés. L’invention permanente d’un nouveau corps mutant, modulateur de nuances invraisemblables, a trouvé dans l’utilisation du masque un allié formidable. Dans Le nombre d’or (live), le masque, outil de métamorphoses troublantes, intensifie la présence du danseur en amplifiant ses plus infimes mouvements.

«Nous avons beaucoup travaillé sur les rythmes et le rapport à l’espace, les regards, la qualité de présence, ce qui ferait se déployer la pensée dans l’espace, la rendre visible et en rendre le spectateur témoin, commente la chorégraphe. La pensée est libre, elle rebondit si vite. Une grande intelligence s’apparente souvent à la démence».
Serrés dans des tubes de tissus, nus ou criblés de fourrure, les danseurs, sertis comme des bijoux dans l’espace, surgissent telles les figures mouvantes d’une humanité insaisissable.
«Je souhaite créer l’environnement qui facilite chez les interprètes leur propre révélation, précise Marie Chouinard. L’épanouissement de leurs talents, de leurs intelligences». Qu’il s’agisse de retrouver le bébé en soi ou de s’imaginer en vieille femme, ces personnalités bien trempées se risquent, comme toujours dans les pièces de la Québécoise, au cœur de contrées physiques et émotionnelles rares. Pour Le nombre d’or (live), le geste ample et puissant de Chouinard se saisit aussi au plus près de la peau «dans le frisson de l’instant qui creuse le ventre et fait trembler le bout des doigts».

Conçue par la chorégraphe elle-même en collaboration avec Guillaume Lord, la scénographie joue sur le rapprochement avec le public pour faire sentir à la loupe ou presque le mystère du mouvement dans ses ramifications. Sur la musique du complice de toujours Louis Dufort, Marie Chouinard ouvre une nouvelle page de son histoire du vivant, incongru, trouble et beau, sans cesse reconduit par des pulsions électriques.

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