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Le Mou et ses formes

«Essai sur quelques catégories de la sculpture du XXe siècle». Analyse des tendances actuelles de la sculpture contemporaine, avec pour point de départ, quatre œuvres de Marcel Duchamp emblématiques de chacune des problématiques abordées : «laisser pendre, entasser et nouer». Une petite révolution qui met à terre l’idéal d’élévation et d’édification de la sculpture !

— Éditeur : Jacqueline Chambon, Nîmes
— Collection : Rayon art
— Année : 2004 (1ère édition : 1993)
— Format : 15,50 x 22,50 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 254
— Langue : français
— ISBN : 2-87711-273-X
— Prix : 25 €

Présentation

Dans le Dictionnaire des idées reçues, Flaubert notait au terme érection : « ne se dit évidemment que des statues ». Maurice Fréchuret s’intéresse, lui, si l’on peut dire, à la débandade de la sculpture. Il suit les manifestations molles et autonomes d’une matière qui n’est plus formée, dressée, érigée, mais laissée à ses propres tendances. Il s’intéresse à un art sans certitude qui utilise des matériaux incertains, à un art qui n’édifie plus, mais laisse couler, laisse tomber, laisse s’amasser les matériaux. Cette approche se révèle aussitôt fructueuse et suggestive pour la sculpture qui a perdu depuis longtemps ses fonctions de monumentalité religieuse ou de propagande politique.

Sous le titre provocant Le Mou et ses formes, Maurice Fréchuret ne dresse pas un panorama de la sculpture du XXe siècle ; il ne présente pas non plus l’interprétation formelle d’une problématique artistique. Il tente plutôt de réordonner une série de productions artistiques selon des catégories qui échappent aux classifications habituelles comme aux définitions que donnent d’eux-mêmes les mouvements artistiques.
Le point de départ de l’analyse est celui fourni par trois œuvres paradigmatiques de Marcel Duchamp : Les Trois stoppages étalon, Le Pliant de voyage et Prière de toucher. À partir de cette découverte du non-rigide comme domaine à part, Fréchuret propose de regrouper un vaste ensemble d’œuvres du XXe siècle sous trois catégories : laisser pendre, entasser et plier. Une telle opération suppose évidemment que l’on reconnaisse le rôle paradigmatique de Marcel Duchamp pour tout un pan de la production du XXe siècle et que la catégorisation soit pour de bon opératoire, qu’elle rende compte avec pertinence d’un grand nombre d’œuvres. Maurice Fréchuret gagne son pari sur les deux plans.
L’exemplarité de Duchamp ne tient à nulle superstition mais à la constance de la présence et de la réflexion de ce grand artiste durant la majeure partie du XXe siècle, à la manière dont il sut à la fois anticiper son époque, continuer à la sentir et influencer des générations très différentes d’artistes.
Quant à la puissance opératoire des catégories choisies, elle se marque à ce qu’elle permet de rapprocher des Å“uvres en apparence très éloignées et généralement traitées à part. Il peut paraître surprenant de rapprocher Nauman, Hantaï;, Serra et Hesse – mais il suffit que le rapprochement ait été fait une fois pour qu’on s’étonne aussitôt de n’y avoir pas pensé plus tôt.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Jacqueline Chambon)

L’auteur
Maurice Fréchuret est conservateur des musées et actuellement directeur du CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux. Il a déjà publié dans la collection «Rayon art» La Machine à peindre.