LIVRES

Le Marché de l’art

Réédition revue et corrigée de ce classique de l’économie de l’art. Une étude du marché de l’art en deux parties : analyse de la relation évaluations esthétiques/prix et son évolution, des années 1970 à nos jours; étude de l’impact de la mondialisation et de l’évolution du concept d’art sur le marché de l’art.

— Éditeur : Flammarion, Paris
— Collection : Champs
— Année : 2003 (1ère éd. 2001)
— Format : 11 x 18 cm
— Illustrations : aucune
— Pages : 205
— Langue : français
— ISBN : 2-08-080071-X
— Prix : 7 €

Avant-propos
par Raymonde Moulin (p. 9-11)

La constitution des valeurs artistiques s’effectue à l’articulation du champ artistique et du marché. Dans le champ artistique s’opèrent et se révisent les évaluations esthétiques. Dans le marché se réalisent les transactions et s’élaborent les prix. Alors qu’ils ont chacun leur propre système de fixation de la valeur, ces deux réseaux entretiennent des relations d’étroite interdépendance. La première partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse comparée de cette relation dans les marchés de l’art classé — ancien et moderne classique — et dans le marché de l’art contemporain; elle étudie l’évolution de cette relation en fonction de la conjoncture économique générale au cours des trois dernières décennies. La seconde partie traite des transformations du marché de l’art sous l’effet de la mondialisation des réseaux et des échanges, d’une part, et de l’extension quasi sans limite du concept d’art, d’autre part. Elle évoque les défis que les nouveaux supports, impliquant la démultiplication et la dématérialisation des œuvres, opposent à un marché construit sur le principe d’unicité et d’originalité des biens.
Deux remarques préliminaires s’imposent.
Trois catégories de biens mobiliers font l’objet d’un négoce sur le marché de l’art : les œuvres d’art, les objets d’antiquité et les objets de collection. Nous avons privilégié dans nos analyses la catégorie « œuvres d’art » dont la détermination du prix constitue le paradigme du marché de l’art (voir p. 157 sq.). À l’intérieur de cette catégorie, l’accent a été mis sur l’art contemporain. Si tous les marchés artistiques sont des contextes où règne l’incertitude sur la valeur des œuvres, le marché de l’art contemporain est en effet le lieu de l’incertitude maximale.

La difficulté d’analyse des marchés de l’art ne relève pas seulement de la dénégation de l’économie, généralisée dans les mondes de l’art. Elle naît de l’incertitude et de l’asymétrie d’information qui caractérisent les marchés de l’art. Cette information incomplète, qui n’est pas identiquement partagée par tous ou accessible à tous, autorise en effet de multiples manipulations stratégiques, hautement symboliques, qui contribuent à la spécificité des marchés artistiques. Seuls sont bien connus les résultats des ventes publiques, mais l’interprétation des prix exige une connaissance subtile du marché réservée aux habitués, pour ne pas dire aux initiés. Le prix payé par un musée français, avec de l’argent public, pour l’acquisition d’une œuvre d’un artiste vivant n’est ni communiqué ni communicable : la jurisprudence française considère en effet que divulguer ce prix constituerait une atteinte à la vie privée de l’artiste. Les prix en galerie ne sont pas transparents. Enfin une partie des transactions s’effectue dans la clandestinité et les phénomènes inquantifiables ou invisibles l’emportent sur les données apparentes et mesurables. Il existe, du, fait de l’origine des œuvres et de l’argent, une économie souterraine dont l’importance est difficile à évaluer.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Flammarion)

L’auteur
Raymonde Moulin est fondatrice du centre de sociologie des arts (Ehess/Cnrs). Elle a présidé la Société française de sociologie et dirigé la Revue française de sociologie. Elle est l’auteur de L’Artiste, l’Institution et le Marché (Flammarion, 1992) et La Valeur de l’art (Flammarion, 1995).