ART | CRITIQUE

Le Grand Café

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

Installation vidéo: histoire absurde et légère d’une jeune fille courant dans la ville avec une cafetière à la main pour chercher une tasse... Avec la gravité des rêves qui dévoilent leur signification par une suite de flashs et d’associations.

A première vue, l’installation de James Lynch est assez froide, avec ses chaises dépareillées créant une ambiance de salle d’attente déserte. Pourtant, tout semble être fait pour nous retenir : les sièges, les écrans télévisés directement posés sur le sol invitent à s’asseoir.

Sur un premier téléviseur, un dessin d’animation nous montre une jeune fille courant, une cafetière à la main. On se retrouve à la regarder passivement, avec pour bruit de fond le souffle amplifié de sa respiration haletante. Une musique obsédante rythme les efforts physiques de la jeune fille tandis que s’écrivent sur les murs devant lesquels elle passe, à la manière d’un graffiti réalisé par une main invisible, les mots « I was running and running ».

L’insistance avec laquelle Lynch restitue l’effort du corps, filmant en gros plan la course des jambes et le visage crispé, ajoutée à la signification redondante du graffiti, enferme notre attention sur cette course interminable. On comprend l’objet de la course lorsque la jeune fille arrive enfin dans une pièce où plusieurs personnes l’attendent, une tasse à la main. Café et tasse se rejoignent, la boucle est bouclée.

Sur les sièges autour, des tableaux sont posés où sont peints des protagonistes du film, tous assis avec un mug à la main, en une attitude fatiguée ou songeuse. Ces personnages qui nous entourent contribuent à nous immerger un peu plus dans ce récit surréaliste qui ne se dévoile que par fragments.

Si ces éléments narratifs se répondent, c’est au visiteur d’articuler ces pièces détachées du récit. Ce dispositif visuel simple et attrayant nous retient dans le jeu infini des interprétations : il y a suffisamment d’éléments pour construire un semblant d’histoire, mais agencés de telle manière qu’ils provoquent des décalages que la diversité des médiums employés souligne, par lesquels on bascule d’une situation anodine au récit fantastique. Cette histoire absurde et légère (une jeune fille courant dans la ville avec une cafetière à la main pour chercher une tasse) contient finalement une sorte de gravité, à la façon de ces rêves qui dévoilent par suites de flashs et d’associations leur signification cachée.

Sur une des vidéo, James Lynch s’est représenté assis avec des petites pancartes dans la main dont il exhibe le message écrit en le lisant à voix haute, puis qu’il jette au fur et à mesure. On lit : « I was running and running with a coffeepot everybody was there drinking coffee including you ». Autre manière encore de nous impliquer dans l’histoire, de supprimer toute distance pour instaurer, entre le visiteur et l’œuvre, une complicité intimiste.

James Lynch
— Lisa Running and Group Drinking, 2004. Film d’animation. 3’30.
— Coffeepot Boiling and Lisa Running, 2004. Film d’animation.1’23.
— James Felling Lisa’s Dream, 2004. Film d’animation. 1’18.
— Blair Drinking # 1, 2004. Huile sur toile. 35 x 45,5 cm.
— Blair Drinking # 2, 2004. Huile sur toile. 35 x 45,5 cm.
— Lane and Colleen Drinking, 2004. Huile sur toile. 50,5 x 40,5 cm.
— Amanda Drinking # 1, 2004. Huile sur toile. 61 x 45 cm.
— Amanda Drinking # 2, 2004. Huile sur toile. 35,5 x 27 cm.
— Kain Drinking, 2004. Huile sur toile. 61 x 45 cm.

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