DANSE | SPECTACLE

Le Funambule

03 Sep - 15 Sep 2009
Vernissage le 03 Sep 2009

Funambule à son tour, seul sur scène, dans une mise à nu maîtrisée, Angelin Preljocaj dira et dansera le texte de Jean Genet, chant passionné du poète à son amant.

Angelin Preljocaj
Le Funambule

Horaires : 20h30.15h le dimanche

— Texte : Jean Genet, Le Funambule
— Chorégraphie et interprétation : Angelin Preljocaj
— Scénographie : Constance Guisset
— Création sonore : 79D
— Musique additionnelle : Elliot Godenthal, Piotr Illitch Tchaïkovski, musique folklorique des Balkans
— Lumières : Cécile Giovansili
— Costumes : Angelin Preljocaj

Maîtrise et pudeur

«Tu dois risquer la mort physique. La dramaturgie du cirque l’exige. Il est, avec la poésie, la guerre, la corrida, un des seuls jeux cruels qui subsistent. » En 1958, Jean Genet envoie une adresse définitive à son amant Abdallah. Tous les enjeux de la création, de la danse, du risque, de l’image et du rapport au public traversent ce texte court, cette invective courant sur une vingtaine de pages, qui est aussi un chant d’amour, à la manière de Genet: affirmative, tranchée. Angelin Preljocaj le découvre alors qu’il est encore étudiant à la Schola Cantorum. Il s’approprie le texte, dont il est l’exact contemporain, et s’en fait un compagnon d’études, au même titre que la Lettre à un jeune poète, de Rainer Maria Rilke. Mais il lui faudra trente ans pour digérer ce texte. Trente ans pour se dépouiller du costume d’Abdallah, le danseur de cordes, et pour s’accepter dans la peau de Pygmalion, dans le rôle du «diseur ». L’homme aux quarante deux chorégraphies se met à nu dans ce solo, qui marque son retour attendu à la scène. Il le fait avec maîtrise, et pudeur. Il suffit de relire Genet: «Ton adresse vient de préserver d’une mort impudique un très précieux danseur»…

Un corps à corps feutré avec le texte

Le danseur transpose le flirt du funambule avec le fil, dans un corps à corps feutré avec le texte. C’est à cet endroit que se situe sa prise de risque. Il s’avance sans forfanterie, sans recherche d’effet, et parvient sain et sauf de l’autre côté de sa traversée. La chaise posée en équilibre sur deux pieds sur le fil d’acier, la hauteur abyssale au-dessus du vide, ce sera pour d’autres, plus téméraires, plus désespérés. Comme cette Camilla Meyer, échouée dans le port de Marseille. L’auteur parle sans cesse de l’image – «C’est ton image qui va danser pour toi »… La scénographie de Constance Guisset, très épurée, plus Genet que Genet, par son usage de grands rouleaux de papier se déroulant comme autant de « paravents», fait la part belle à l’ombre, disloquée et portée. C’est bien connu, l’ombre révèle, bien davantage qu’elle ne dissimule. Elle oriente le regard. Pudique, toujours, le danseur passe en cabine, pour essayer son nouveau costume, «à la fois chaste et provocant ». «L’ombre, c’est d’abord une silhouette, analyse le chorégraphe. C’est une forme à habituer. Elle est suffisamment indéfinie de l’intérieur pour laisser place à l’imaginaire. » C’est le reflet, qui peut être celui des illusions, comme chez Platon. Et c’est le double, à la fois ombre et esprit, comme chez Otto Rank.

Victoire de l’adresse et de l’audace sur la peur

«Le texte parle beaucoup de l’effacement de l’interprète, de la mort de l’homme au profit de l’artiste», note le chorégraphe. Une mort qui apparaît plus que sublimée, et qui s’attache à chaque pas de l’interprète. Il pourrait être question ici d’une danse macabre, comme dans les frises du Moyen Âge. Le tableau deviendrait alors une forme dansée de vanité, bien que l’auteur néglige délibérément ici la peinture, au profit de la danse et du cirque… «Veille de mourir avant que d’apparaître et qu’un mort danse sur le fil », écrit encore Genet, dans un élan presque divinatoire. Dans cette empoignade, l’artiste est assuré d’emporter la mise, car face au défi chaque jour renouvelé, l’ombre déjà s’efface… Preljocaj: «J’ai été danseur. Il me reste des élans, des mouvements fantômes, des fulgurances résiduelles. » Genet, oiseau de bon augure, pronostique d’ailleurs le succès. Victoire de l’adresse et de l’audace sur la peur.

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