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Le Cabinet du Docteur Smithee

26 Fév - 20 Avr 2013
Vernissage le 26 Fév 2013

L'installation Alan Smithee de Sofi Urbani met en abyme certains codes du cinéma en un objet à dimensions variables au sein desquelles le regardeur, à mesure de ses déplacements, est invité à un travail d'enquête et d'élucidation.

Sofi Urbani
Le Cabinet du docteur Smithee

L’appellation «Alan Smithee», anagramme de «The Alias Men» («les hommes au nom d’emprunt»), dissimule un premier code du langage cinématographique. Ce pseudonyme générique, apparu dans les années soixante aux Etats-Unis, permettait à un réalisateur d’éviter l’usage de son véritable nom lorsqu’il estimait avoir été spolié par les produteurs, en quelque endroit de la réalisation d’un film. Cette fiction patronymique convoque alors l’idée d’un créateur fantôme, d’une identité collective anonyme, à l’encontre du pouvoir des studios sur le travail de l’auteur.

Le questionnement de la notion d’autorité, dans ses acceptions multiples, est ici formalisé à travers une combinaison d’éléments comprenant notamment six vidéos – dont le principal acteur incarne justement le rôle d’Alan Smithee —ainsi qu’un décor restituant le cadre de leur mise en scène.

Au préalable, les prises de vues avaient eu lieu dans l’atelier de Sofi Urbani, transformé pour l’occasion en studio de tournage. Les séances qui s’y étaient déroulées avaient fourni une matière (filmique) première, également confiée à six monteurs professionnels sans autre prescription que de produire, chacun, une vidéo de huit minutes vingt. Les variables interprétations fragmentaires et séquentielles, les partis pris du montage – fondateurs d’éventuels scénarios, pistes indicielles, insertions d’hypothèses, échantillons d’enquêtes parallèles – ont alors agi comme une mise en intrigue supplémentaire de la présence inexpliquée de cet étrange personnage dans un contexte pareillement étrange.

Ces dimensions de l’énigme et de la dépossession sont en effet mises en exergue par une sorte d’assemblage ou de collision scénographique.
Elle figure une chambre de motel dont les caractéristiques stylistiques évoquent d’abord l’expressionnisme allemand, et plus particulièrement le «caligarisme» qui désigne dans le champ de l’esthétique cinématographique une parenté plastique avec le film manifeste de cette tendance : Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1919). Le déséquilibre des formes, la présence architecturale de la lumière travaillée en clair obsur, le jeu outré du protagoniste, les motifs géométriques peints et les perspectives altérées en conséquence renvoient conjointement à une réalité distordue, comme si le décor venait déployer l’espace mental du personnage enfermé dans son huis clos.

Il va sans dire que le motel, cet autre espace canonique du cinéma (américain cette fois), reconnaissable par son enseigne à la périphérie des routes, recèle derrière le masque de la discrétion et de l’ordinaire un endroit chargé de secrets et d’angoisses: planque de criminels et de hors la loi, refuge d’amants, point de chute de clandestins, il cristallise également l’idée d’une géographie de l’errance à partir de laquelle l’artiste nous propose, par prélèvements ou par ajouts, d’insérer nos propres plans, de recombiner ceux qui préexistent et, peut-être, de façonner le «final cut». (Édouard Monnet et Elsa Rousse)

Membre du réseau Marseille expos.

critique

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