INTERVIEWS

Le Bleu est à la mode cette année

PElisa Fedeli
@21 Nov 2011

De générations et de cultures différentes, Tobias Kaspar et Eduardo Costa n’ont jamais travaillé ensemble. Pourtant, ils partagent un goût commun pour les jeux d’équivalences et de correspondances. Cette exposition réunit pour la première fois leurs travaux.

Tobias Kaspar expérimente les différentes manières de représenter, non pas un concept, mais un produit issu du quotidien le plus banal: le café. Pour cela, il butine d’un médium à l’autre, d’un style à l’autre, d’un point de vue à l’autre. Dans son œuvre Sentimental Style, il confronte des photographies de caféiers, prises au jardin botanique de Hambourg, et des recettes d’espresso. Ainsi, le café est donné à penser sous différents modes d’existence: sa forme naturelle et sa forme industrielle.

Ce jeu de correspondances sémiologiques semble rapprocher Tobias Kaspar de l’initiateur de l’art conceptuel, Joseph Kosuth, qui a proposé dans une Å“uvre restée célèbre trois formes équivalentes (l’objet réel, la définition du dictionnaire et la reproduction photographique) pour rendre visible l’idée de chaise.

Mais ce qui différencie la démarche de Tobias Kaspar de celle de son aîné, c’est la part de subjectivité que ses Å“uvres explicitent. Loin d’une recherche d’objectivité, les photographies de caféiers sont en effet empreintes d’une esthétique idéalisée: le choix d’un format sacré (le Tondo) pour les mettre en valeur et la saturation des couleurs dénotent une vision romantique, presque surannée.
Sur les panneaux où les recettes de café sont énoncées, un motif (issu de la trame d’une couverture signée Air France) vient perturber une lecture trop univoque. Ce sera donc au spectateur de tenter d’élucider cette présence incongrue et la relation que le motif entretient avec la recette.

Comme son cadet Tobias Kaspar, Eduardo Costa revisite les principes fondateurs de l’art conceptuel, en faisant appel au registre populaire.

Il présente une série de Peintures volumétriques, dont le principe est proche de la tautologie. Il s’agit en effet pour l’artiste de faire de la sculpture uniquement à partir de peinture, autrement dit de jouer sur les épaisseurs des couches de peinture. Cette série comprend des volumes simples et abstraits (notamment un cube) ainsi que des formes plus déconcertantes. Parmi ces dernières, des légumes (courgettes et citrons) coupés en deux et minutieusement reproduits avec réalisme. Jusqu’à leurs pépins, qui sont en fait de délicats copeaux de peinture séchée.

D’autres œuvres, élaborées à partir du même principe, sont des tableaux au dos desquels un volume rond de peinture vient se greffer. Ainsi, la peinture se détache du mur et semble saillir dans l’espace.

Tobias Kaspar et Eduardo Costa interrogent tous deux à leur manière la relation de l’idée à sa mise en forme. Mais, au lieu de chercher un principe d’équivalence, leurs œuvres font la part belle à l’inattendu et à la bizarrerie, démontrant que la totale objectivité n’existe pas.

Oeuvres
— Tobias Kaspar, Sentimental Style 1, 2009-2011.
— Tobias Kaspar, Sentimental Style 2, 2009-2011.
— Tobias Kaspar, Americano, 2011.
— Eduardo Costa, Cube de sang, 2010-2011.
— Eduardo Costa, Carré beige séparé du mur par la base, 2011.
— Eduardo Costa, Fashion Fiction 5, 1984-2007.

AUTRES EVENEMENTS INTERVIEWS