ART | CRITIQUE

L’Auteur inconnu

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Giulio Paolini a orchestré une rétrospective-perspective simultanément dans quatre lieux — les galeries Marian Goodman et Yvon Lambert, à Paris et à New York. Chez Marian Goodman, Paris, l’installation modulaire de quatre pièces, pourrait bien être, en effet, le Synopsis d’une fuite.

Quatre lieux d’exposition simultanée — les galeries Marian Goodman et Yvon Lambert, à Paris et à New York —, pour une présence qui s’affirme comme cardinale, et carrée: épousant cette manière parfaitement neutre, la manifestation orchestrée par Giulio Paolini est une rétrospective-perspective «orientée vers le passé et vers le futur, [et] éloignée du présent et de son vertige». Chez Marian Goodman, Paris, l’installation modulaire de quatre pièces, pourrait bien être, en effet, le Synopsis d’une fuite.

Au centre de chacun des quatre murs de la galerie, un cadre noir carré, dans lequel s’emboîtent, concentriquement et alternativement, des photographies — des vues de l’atelier de l’artiste, murs blancs et fauteuils tapissés —, et des carrés blancs: chacun évide l’image qui l’entoure, et encadre celle qu’il contient.
De sorte que cet entonnoir visuel aspire le regard vers le point de fuite central, où il bute sur un chevalet vide, ou bien, évidé d’un ultime carré, ouvert sur le mur ou obturé par un gris neutre. L’œuvre fuit, s’absente obstinément, pour mieux cerner le spectateur qui en devient le centre, au risque d’être happé, comme le suggère une silhouette, vue de dos, prisonnière de l’un des cadres.

Ce jeu de déconstruction subtil, pour le coup vertigineux, est l’œuvre d’un archiviste assurément méticuleux. L’atelier entrevu évoque un bureau de l’entre-deux-guerres, parfaitement ordonné. Chaque chose y est scrupuleusement à sa place; sur les étagères, des classeurs soigneusement alignés et des planches de dessins impeccablement empilées.
Mais, et c’est étrange, les étiquettes sont blanches, vierges de toute mention, de tout indice. L’artiste n’a rien à révéler, ni à indiquer. Endossant l’anonymat d’un obscur employé de bureau, «il ne s’exprime pas à la première personne». Et l’œuvre a bien vocation à lui échapper, sans message ni mission, comme «une attente sans objet».

À même les murs blancs de la galerie, des carrés de tailles diverses, qui répètent celles des carrés concentriques, glissent d’un cadre à l’autre, suggérant ainsi l’infinie possibilité des recompositions, pour un précipité, au centre de l’image, indéfiniment remis en jeu. Une invitation, en somme, à suivre leurs traces et leurs devenirs, rue Vieille-du-Temple, chez Yvon Lambert. Puis jusqu’à New York.

Giulio Paolini
— Synopsis, 2006. Installation.

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