ART | EXPO

Laurent Le Deunff

24 Oct - 23 Nov 2013
Vernissage le 24 Oct 2013

La matière éléphantine a définitivement intégré le vocabulaire de Laurent Le Deunff, dans des œuvres qui déploient la pensée du paradoxe chère à l’artiste: le scabreux et le ludique, le sculptural et le narratif, le recouvrement et la surface, l’agrégat et la clarté, la sédimentation et l’intuition, l’artifice et la nature.

Laurent Le Deunff

L’atelier de Laurent Le Deunff n’a jamais ressemblé à un cimetière où viendraient s’échouer ses rêves d’œuvres et d’installations. Mieux, il est le lieu où, en vrai sculpteur, tout se passe, tout s’essaye — ce laboratoire où cette nouvelle exposition s’est cristallisée. Vous le remarquerez aisément: les œuvres montrées ici ne proviennent pas seulement de son atelier mais celles-ci l’ont également convié à faire le trajet Bordeaux-Paris. Le rapport de continuité entre le lieu de production et le lieu d’exposition se double ainsi d’un rapport d’identité, ce que démontrent les tréteaux, tables rudimentaires et socles de fortune «mis en scène» dans la galerie. Qu’ils supportent les sculptures de trompes ou accueillent en leur sein des agglomérats de matières — paysages de rivière, fontaines à souhait, boues primordiales (Bassine, 2013, Auge, 2013, etc.) —, ces éléments «techniques» n’accomplissent pas seulement leurs rôles de support; ils sont devenus décors, traces et réceptacles — du processus de fabrication, de l’univers de l’artiste.

Répartis dans l’ensemble de l’espace, trône la série Un long nœud de trompes (2013), composée de six éléments: les fragments autonomes et solidaires d’une forme animale monumentale démembrée, limite tératologique. Disposés à l’horizontale, ils paraissent en attente, nœuds marins oisifs et dessins de (grosses) lignes en trois dimensions. La galerie, comme lieu de reconstitution truquée de l’atelier bordelais, un paysage in progress.

Chacun des Nœud explore ses formes labyrinthiques, ses qualités sculpturales et son matériau fascinant — un mélange de ciment, de papier mâché et de pigments utilisé pour fabriquer des briques à faible coût. Ils se jouent d’une confrontation avec leurs socles avec lesquels ils ne semblent faire qu’un, absorbés. À l’image de l’œuvre Vache (2000), lointaine cousine issue des premières années de création de l’artiste, ou des Colonnes (2013), vampirisation de la Colonne sans fin de Constantin Brancusi (1938) rabattue à une taille humaine et à un matériau agraire — l’hypertufa, un alliage de ciment, de sable, de gravier et de tourbe, utilisé en horticulture ou dans l’architecture rurale.

Finissons par quelques lignes de généalogie. Si, en 2013, la matière éléphantine a définitivement intégré le vocabulaire de Laurent Le Deunff, elle le doit à quelques ancêtres: les deux Mammouth de 2001 et 2009, le dessin Rut (Éléphants) de 2011 et la série des Nœuds de trompe initiée en 2012. Des œuvres qui, toutes, déploient la pensée du paradoxe chère à l’artiste: le scabreux et le ludique, le sculptural et le narratif, le recouvrement et la surface, l’agrégat et la clarté, la sédimentation (des sources, des matières, du temps) et l’intuition, l’artifice et la nature.

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