ART | INTERVIEW

Laurent Grasso

Laurent Grasso interroge notre rapport au réel. L’expérience semble s’être de plus en plus détachée de lui, de sorte que des images nous apportent bien souvent plus de ressenti.

Entretiens sur l’art présenté par Catherine Francblin avec Laurent Grasso, artiste et François Piron, critique d’art et commissaire d’expositions.
Sur le thème Tout s’explique.

Catherine  Francblin. Le travail de Laurent Grasso est actuellement présenté dans l’exposition Notre histoire, au Palais de Tokyo, et a bénéficié dernièrement d’une exposition personnelle à l’Espace Paul Ricard intitulée Paracinéma. La complicité entre François Piron et Laurent Grasso est très grande puisque François Piron a présenté une pièce importante de Laurent Grasso Tout est possible dans son exposition Subréel qu’il a présentée en 2002 au Musée d’Art Contemporain de Marseille et il a été également commissaire de l’exposition Promotion à l’Espace Paul Ricard à l’occasion du prix Ricard S.A 2002 où une œuvre de Laurent Grasso était également présentée. Ils ont donc un dialogue qui remonte à plusieurs années.Je vais tout de suite donner la parole à Laurent Grasso.

Laurent Grasso. Je vais vous montrer sept vidéos qui ne sont pas présentées dans les dispositifs pour lesquels elles ont été prévues à l’origine.

C’est une vidéo de 1999 qui s’appelle Soyez les bienvenus, produite au Maroc. Ce film a été tourné au moment du deuil du roi Hassan II au Maroc. J’avais envie de mettre en place ce dispositif de point de vue qui est celui d’un objet flottant, à l’inverse d’une caméra subjective, c’est-à-dire une caméra qui filme les choses mais sans vraiment les comprendre.
Il y avait une très grande tension à cette époque au Maroc et c’est un peu ce qu’on peut ressentir dans cette vidéo. Mais je ne mentionnais pas ces faits lorsque je présentais l’œuvre puisque j’avais envie qu’on découvre plutôt une œuvre qu’une communication liée à chaque travail.

Cette vidéo s’appelle Le Temps manquant et était présentée sur une plaque de plexiglas. C’était l’œuvre présentée ici lors de l’exposition Promotion. Cette vidéo a été produite lors d’une année où j’étais au Fresnoy.
J’avais fait un repérage dans le nord de la France de tous les lieux qui évoquaient une ambiance proche de la science-fiction. J’avais dressé une liste et j’avais repéré ce terrain de foot synthétique avec un château d’eau en forme de tulipe en arrière-plan. C’est une vidéo muette.
Le Temps manquant est une notion utilisée par les gens qui croient à l’ufologie, qui pensent que l’on peut être enlevé et mis dans un autre temps par des extraterrestres. Tous ces phénomènes m’intéressent par leur potentiel de fiction, de vrai ou de faux. J’aime bien m’inspirer pour chaque œuvre de phénomènes que j’ai pu repérer soit dans la réalité soit dans le cinéma.

Cette vidéo de 2002 s’appelle Tout est possible. On retrouve le point de vue flottant de la caméra de Soyez les bienvenus de manière amplifiée. C’est comme si on avait accès à la pensée de ce personnage et que cette caméra qui flotte au-dessus de sa tête captait toutes ses pensées au temps réel. Le monologue que l’on peut entendre est extrait d’une interview que j’avais réalisée avec cette même personne que l’on voit à l’image.
Cette séquence a été tournée en 2001 juste après les attentats du 11 septembre. Il y a de nouveau cette grande tension. J’ai choisi de tourner à Casablanca car c’est la ville la plus contemporaine du Maroc et je voulais éviter un regard un peu trop exotique.
J’avais déjà travaillé avec ce personnage auparavant et j’étais intéressé par sa vision du monde, notamment sur des choses un peu politiques, avec son filtre de pensée calqué sur des pensées très magiques. Ce n’est pas du tout un cas exceptionnel, beaucoup de personnes pensent comme lui. Quand il dit que la CIA est aidé par des fantômes, il y croit vraiment. C’est à nouveau ce potentiel de fiction, ce délire magique qui m’a intéressé.

Pourquoi avoir ajouté ce son de cloches dans cette vidéo? Peux-tu essayer de le définir?

Laurent Grasso. Cette vidéo a été conçue comme deux couches superposées: l’image et le son n’ont pas de relations directes. Ce qui m’intéressait était de mettre le spectateur dans un état de réception particulier grâce à cet effet ralenti et ce point de vue un peu flottant. Il y a souvent un côté hypnotique dans mon travail et ce son de cloches y participe. La manière de parler du personnage a un aspect très envoûtant. C’est cet ensemble là que j’avais envie de créer.

Cette vidéo est Radio ghost montrée pour la première fois au Crédac à Ivry. J’ai produit ce film en Chine. Il a été tourné en 35 mm au-dessus de Hong Kong et est très proche de la vidéo Tout est possible. J’avais envie de pousser le même point de vue et le même genre d’histoire à un niveau plus général avec plusieurs personnages.
On a un peu cette idée d’un survol au-dessus d’une ville et toutes ces histoires qui apparaissent comme des signaux qui seraient captés. Les histoires que l’on entend sont des témoignages de personnes qui travaillent dans le milieu du cinéma ou de la radio en Chine et qui ont eu des expériences paranormales lors de tournages de cinéma ou d’autres choses. Je trouvais intéressant qu’à l’endroit où on produit de la fiction apparaisse une autre fiction incontrôlable.
Je me suis rendu compte en discutant avec des acteurs chinois que ces phénomènes étaient très forts, très présents en Asie au point qu’avant chaque tournage de film, les réalisateurs font des cérémonies pour se protéger d’apparitions. Des gens que l’on connaît comme Wong Kar-Wai et d’autres font ce genre de choses. Ce n’est pas du tout une pratique folklorique, c’est une vie avec un monde parallèle accepté et intégré. Ce n’est pas une croyance populaire, c’est admis par toutes les couches sociales de la population.

Cette vidéo s’appelle Projections. C’est celle qui est projetée actuellement au Palais de Tokyo. Le dispositif consiste en un long tunnel de 15 mètres au bout duquel on aperçoit la vidéo. L’année dernière, j’ai beaucoup discuté et travaillé autour de l’idée de projections mentales. C’était en prolongement du constat que mon travail m’intéressait comme une surface de projection. Ce qui me plaît, c’est tout ce qu’on peut imaginer d’autres que ce que l’on voit réellement, tout ce qui pourrait être hors champ. Cette vidéo existe dans une autre version en noir et blanc, présentée sur un moniteur des années 1960. Pour moi, cela reliait cette vidéo à la science-fiction des années 1960 et m’aidait à créer un décalage temporel par rapport à l’image.

Cette vidéo est Paracinéma montrée à l’Espace Paul Ricard au mois de janvier et février derniers. Cette vidéo a été produite dans les studios de Cinécitta. J’ai obtenu l’autorisation de pouvoir filmer les décors de Gangs of New York de Martin Scorsese. L’idée c’est de faire un film un peu invisible et de donner une nouvelle vie à ces décors abandonnés, une espèce de présence fantomatique comme si ils avaient une existence autonome après les films pour lesquels ils ont été créés.

C’est le dernier extrait de vidéo que je vais vous montrer. C’est L’Eclipse, une vidéo conçue pour une exposition qui a eu lieu à l’école des Beaux-Arts de Valenciennes. Tout a été fait par ordinateur. Tout est complètement virtuel, c’était plus simple de refaire un coucher de soleil et de faire cette éclipse. J’avais envie de mettre ensemble deux phénomènes assez rares et qui se croisent rarement.

Tu retiens le spectateur devant l’image qui cherche à comprendre ce qui se passe. La durée est une notion importante dans ton travail.

Laurent Grasso. Evidemment, pour moi, c’est compliqué de vous montrer ces vidéos dans ces conditions là. Je ne fais pas de cinéma, je ne fais pas de films, ce qui m’intéresse c’est de créer des environnements qui provoquent une perte de repère.
La durée, on ne la connaît jamais à l’avance. Il y a un moment de tension, de frustration de quelque chose qui pourrait arriver et qui capte l’attention du spectateur. J’aime bien qu’il y ait une durée indéterminable, sans début ni fin et qu’on puisse se perdre face à mon travail.
Je vais maintenant vous montrer des vues d’expositions.

Cette exposition s’appelle 28, c’est une collaboration avec l’architecte Philippe Rahm. Son intervention a consisté à augmenter la température de l’espace à 28°. A gauche, il y avait deux néons superposés qui reproduisaient une éclipse. Cette exposition avait lieu dans une salle qui appartient à l’Ecole des Beaux-Arts de Valenciennes. L’idée était que les gens puissent rester dans l’espace, qu’ils puissent s’y sentir bien et y rester.

Ce sont des images de préparation pour le projet Radio color studio pour l’exposition du Palais de Tokyo. Ce studio de radio a été conçu avec mon frère Pascal qui est architecte.

Lors de l’exposition Paracinéma, dans la salle d’entrée, on trouvait cette installation lumineuse avec l’intensité du projecteur qui variait et une série de sérigraphies (des impressions encre argentée sur fond blanc). La perception des images était différente selon l’intensité de la lumière. J’avais choisi d’éteindre toutes les lumières dans les salles d’exposition et de présenter les choses comme des surfaces avec une impression de lieu vide.

Lors de l’exposition Le Printemps de septembre, j’ai présenté une œuvre Du Soleil dans les yeux, on passait dans un couloir puis dans un sas et enfin on arrivait dans une salle complètement blanche d’environ 100 m2. Je voulais créer la surprise. Rien ne laissait supposer la découverte de ce lieu vide et blanc, j’ai voulu jouer sur ce décalage. Cette idée de pièce secrète et d’endroit à découvrir en parallèle est une chose qui revient assez souvent dans les dispositifs mis en place pour présenter mes films.

Ici, il s’agit du premier studio de radio que l’on a créé à Amsterdam. Les personnes du Curatorial training program ont décidé de faire une exposition qui ne serait qu’une émission radio. J’ai proposé de concevoir l’ambiance et le dispositif dans lesquels ils allaient émettre leurs émissions et faire leurs interviews. Je pensais que c’était quand même important qu’il y ait quelque chose à voir. Il y a cette idée de créer l’espace comme une image. On a l’impression ici qu’il s’agit de simulation. Au Palais de Tokyo, nous avons travaillé sur les mêmes ambiguïtés.

François, qu’est-ce que le travail de Laurent Grasso t’inspire? Explique-nous le titre Tout s’explique.

François Piron. C’est le titre que nous avions choisi pour cette soirée qui est une manière de répondre au travail de Laurent Grasso qui s’appelle Tout est possible.
Une des choses qui m’apparaît constante dans le travail de Laurent est la question du surgissement d’une image. Laurent est dans l’idée que l’image est une surface, sans forcément un contenu. La question est plutôt de savoir ce que l’on reconnaît dans une image et comment un artiste travaille à faire émerger de l’inconscient et de l’imaginaire du spectateur.
La méthode de Laurent est de proposer des relations très disjointes entre différents éléments que sont les images, le son et la question du point de vue. Comment, à partir de ces choses en opposition, on crée des liens et on passe au-delà de la représentation pour une relation à l’image qui est beaucoup plus immersive. Laurent parlait à juste titre d’un dispositif hypnotique.

Dès le début du travail de Laurent, il a ce point de vue désincarné. On n’imagine pas une identité individuelle ou l’idée d’un auteur qui fait des choix derrière la caméra. Cette caméra représente plutôt une menace, une omniprésence, quelque chose de nuageux qui ne serait pas quelqu’un.
Christophe Kihm parle de l’idée de captation et de capture pour ta manière de filmer. Cela concerne tes premières vidéos Mes Actrices où tu filmais des femmes dans la rue, dans une sorte de traque, de jeu avec une forme d’érotisme en tant que désir de voir. Tu cherchais ce que provoque l’irruption d’une caméra dans la rue.

Laurent Grasso. Il s’agit de ma première vidéo Les Actrices. Je filmais des femmes que je repérais dans l’espace public et je choisissais des personnages, des personnes avec une apparence très travaillée. En quoi leurs comportements étaient déjà cinématographiques, comme si elles étaient déjà des images. A l’époque, François Piron avait écrit un texte avec un titre qui me semblait bien trouvé Prise d’otages du réel.

Fançois Piron.  Christophe Kihm parle de l’idée de captation quand tu filmes des choses. La caméra ne regarde pas mais enregistre. Tu transformes la captation —la réception d’une réalité— en une idée de capture, c’est-à-dire quelque chose de plus pervers. Une manière de saisir un élément de la réalité et de le détourner.
Il y a cette idée de rapprochement de la caméra qui revient dans plusieurs films. C’est une volonté d’être au plus près, un rapprochement physique de quelque chose qui, paradoxalement, dit au contraire que cette chose là reste extrêmement éloignée et intouchable.

De manière plus thématique, il y a toujours cette volonté de rendre concret des phénomènes invisibles, de rendre tangible l’incontrôlable. Tout cela est une manière de poser un point de vue sur cette question de l’imaginaire, d’énoncer l’imaginaire comme un ensemble d’altérations de la réalité liée à des choses plus collectives qu’individuelles et plus physiologiques que psychologiques.
Dans la vidéo Tout est possible, on entend moins la parole de la personne comme  un délire d’individu que comme une espèce de concrétion d’un ensemble de paroles qui constitue un collectif, un ensemble de rumeurs que tout le monde pense plus ou moins.

Laurent Grasso. Effectivement, ce qui m’intéresse, ce sont les choses qui nous traversent tous le cerveau plus que la personne ou l’individu lui-même. On peut le dire autant sur les pensées et le monologue dont on vient de parler que sur les images des femmes. J’étais intéressé par leurs statuts d’images, pas leurs personnes ou leurs identités. Je n’ai jamais cherché à utiliser ma caméra pour dire l’intimité d’une personne, ce sont plutôt des situations, des flux qu’une individualité.

François Piron. Dans ton travail, il y a également une idée de contrôle, un certain niveau de manipulation. La manière que tu as de travailler les rapports entre image, son, texture et point de vue est d’ordre suggestive. Ces suggestions contribuent à renchérir formellement ce qui serait plutôt de l’ordre d’une thématique de l’inconscient collectif, de la rumeur, de la paranoïa ou de l’hystérie collective. Ces thèmes ne sont jamais traités frontalement mais plutôt comme une sorte de terrain commun avec lequel on travaille.

Plus récemment, dans le film La Vision entoptique, tu as développé ce phénomène visuel que tout le monde a et qu’on ne peut pas représenter car il se situe à l’intérieur de la rétine. Ce sont ces petits points que l’on voit lorsqu’on regarde une chose très lumineuse ou que l’on passe de l’obscurité à la clarté.

En représentant cette chose invisible, tu mêles une idée partagée par pas mal d’artistes en ce moment, qui est une relation entre l’objectivité scientifique et l’idée d’une croyance. C’est une relecture de la modernité.
La modernité, dans son idéal de rationalisation et de désir d’objectivité a néanmoins toujours été liée à des phénomènes de croyances irrationnelles. Au XIXe siècle, nous étions dans une période d’innovation technique. Chaque innovation a toujours correspondu à un désir assez irrationnel de captation de choses invisibles qui correspondent à des mythes universels et archaïques de l’humanité comme la communication avec les morts ou le pouvoir de lire dans les pensées.
Si on pense à la photographie de médium, elle a été très importante comme parti prenante des premières expérimentations photographiques à la fin du XIXe siècle. Une relation s’est effectuée entre l’objet technique et une certaine virtualité de son usage.

A travers tout cela, je vois une autre ligne de réflexion qui est la relation permanente entre l’individuel et le collectif. Un imaginaire individuel se fond, disparaît dans un imaginaire collectif. Dans plusieurs des pièces de Laurent Grasso, on retrouve l’idée d’altérité, on est confronté à quelque chose d’opaque, de résistant.
Dans Soyez les bienvenus, on est devant une communauté qui est de dos, on fait le tour des choses sans comprendre exactement ni pourquoi ni qui ils sont. Il n’y pas d’échanges possibles.
C’est la même chose avec Mes actrices. Cette vidéo vient jouer le fantasme d’une communication, d’aller vers quelqu’un mais ce qui se produit c’est l’inverse: le repli, la méfiance, la crainte, une forme d’angoisse qui naît de cette relation-là. Des rituels collectifs sont proposés en tant que pur altérité à un spectateur individuel.

On peut spéculer sur une certaine relation de l’individu contemporain dans une société qui génère une inquiétude permanente sur la question de l’inaccessibilité, de l’incompréhension, de la notion d’intouchable. On n’arrive plus à toucher l’autre ou une idée de l’autre.
Les conséquences de ce repli deviennent une sorte de fictionnalisation généralisée de la réalité et une forme d’angoisse sur l’impossibilité de l’accès à l’autre.
Néanmoins, ce n’est ni une dénonciation ni une critique que tu fais à l’endroit de l’état de la société ou des relations humaines. Il s’agit plutôt d’une question assez ouverte sur notre degré de présence au monde. Comment se génèrent les sensations qui fondent notre sens de la réalité et qui essaient de déterminer quelques phénomènes qui contrôlent, parfois à notre insu, ces sensations là.

Tu as l’air de dire que cette forme de chose intouchable c’est uniquement l’autre mais il s’agit également du réel.
Fraçois Piron. Je pense que cela n’interroge pas tant notre relation à l’autre que notre degré de présence.

Le réel est aujourd’hui de plus en plus problématique. Est-il problématique parce qu’il devient tout de suite de la fiction ou parce que la technique transforme les choses?

Laurent Grasso. Je ne pense pas que le plus problématique soit qu’il y ait des images fausses ou fabriquées, par contre, notre rapport au réel est problématique. Aujourd’hui, c’est de plus en plus compliqué de vivre une réelle expérience.

Pourquoi est-ce aujourd’hui si difficile de vivre une expérience? Est-ce parce que les expériences ont déjà été racontées, tournées au cinéma? Par exemple, tu appelles ton film L’Eclipse. Moi, cela me fait penser à Antonioni.

Laurent Grasso.  Je n’ai pas du tout un travail référentiel. Quand je fais allusion au cinéma, c’est comme si le cinéma était une réalité aujourd’hui. Ce qui m’intéresse, c’est ce rapport entre une personne et le réel qui est le cinéma ou ce qu’on veut. De temps en temps, je prélève des choses pour à nouveau faire revivre ce rapport et mettre en scène cette relation à ce qui nous est présenté.

François Piron. Ce n’est pas déploratif, cette difficulté d’expérience est un état de fait. Le bon côté de cette perte de l’idée d’un imaginaire individuel est que des éléments qui nous sont à priori très étrangers rentrent aujourd’hui très facilement dans notre imaginaire comme le cinéma ou les informations qui génèrent des extensions de sensibilité. On perd la notion d’échelle, on est plus affectés par un évènement ne relevant pas du tout de notre expérience vécue mais étant de l’ordre du collectif. On est plus affecté par le 11 septembre que par une expérience vécue. Cela façonne notre manière de recevoir des images et de les comprendre.

Est-ce que tu te préoccupes de la question de la beauté des images? Est-ce que c’est une recherche ou est-ce que cela a peu d’importance comme certains le disent aujourd’hui?
Laurent Grasso. Ce n’est pas vraiment le souci. J’assume un côté séduisant de certaines images qui m’aide à mettre en place des conditions d’accès à la réalité que je veux présenter. Le but n’étant pas celui là.

Pour le film réalisé en Chine, vous avez beaucoup travaillé sur les images. Pourquoi ce dispositif?

Laurent Grasso. Pour Radio Ghost, je voulais faire un conte contemporain abstrait avec le mouvement de cette caméra qui met dans un état de survol des choses. J’avais envie ici de donner une impression d’irréalité. L’image de Radio Ghost est retravaillée de façon à ce que l’on voit les maisons, la ville. A un moment donné, on voit les voitures et les immeubles. Tout cela apparaît comme une maquette. J’ai retravaillé les couleurs et le point de vue de la caméra de façon à ce que ce réel devienne presque virtuel. C’est à nouveau cette ambiguïté qui est souvent à l’œuvre dans mon travail. Il y a vraiment un jeu sur la statut de ce qui est présenté.

 

AUTRES EVENEMENTS ART