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Latitudes 2004. Terres de l’Atlantique

La Caraï;be comme Saint-Pierre-et-Miquelon ont en commun de faire partie des Dom-Tom et d’avoir un même passé où s’entrechoquent colonialisme, exil et racines composites. Il était temps de les rappeler au bon souvenir de la capitale. C’est chose faite depuis 2002 avec les expositions «Latitudes» qui promeuvent la création contemporaine d’Outre-mer.

— Auteur : Régine Cuzin ; avant-propos de Maryse Condé
— Éditeurs : Mairie de Paris ; Océa, Paris
— Année : 2004
— Format : 18,50 x 21 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 94
— Langue : français
— ISBN : 2-9519425-1-6
— Prix : 12 €

Présentation
par Régine Cuzin (extrait, p. 9-10)

Qu’il s’agisse de mémoire, de communauté, d’identité ou de brassage des peuples, les œuvres des artistes invités à «Latitudes 2004», rallient bien des problématiques actuelles par une combinaison de médiums — au rang desquels le son — et d’approches artistiques où le décalage, l’ironie, voire la métaphysique se mêlent à la poésie, la lumière et la couleur.

Mais de leurs ateliers situés aussi bien à Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France qu’à Paris, Londres, Montréal, Toronto ou New York, les artistes s’inspirent volontiers du passé colonial chevillé au cœur de l’Outre-mer. À travers la modernité des pratiques esthétiques, notamment les installations vidéo-sonores, certaines œuvres se réapproprient les traces et les souvenirs de l’histoire collective pour les mettre en relation avec les réalités du présent. Ainsi le mouvement des flux migratoires vers l’Occident marqué par les halls d’attente du Martiniquais Jean-François Boclé n’est pas sans évoquer la traite négrière. Sous l’autorité d’une machinerie complexe, les navigations erratiques du Guadeloupéen Henri Tauliaut instruisent d’autres procès à l’arbitraire des puissances européennes. Grâce aux œuvres du Trinidadien Mario Lewis ou du Guadeloupéen Ano, des images allusives font ressurgir les grands conflits mondiaux qui génèrent l’enrôlement patriotique des Caribéens sur les fronts militaires.
Par leurs expériences respectives de l’exil, la Guadeloupéenne Joëlle Ferly, la Jamaï;co-canadienne, Dionne Simpson ou le Cubain Andrès Montalván explorent les territoires complexes des migrations imposées par la situation politique ou économique. Des parcours, sources de métissage qui dessinent la mosaï;que culturelle installée par le Dominicain Marcos Lora Read.
Mais d’autres approches comme celles de la Guadeloupéenne Cynthia Phibel ou du collectif canadien Saint-Pierrais et Miquelonnais, Attitudes d’artistes revendiquent l’attachement à l’île de l’origine dont ils exaltent la mémoire et les signes.
Plus éloignés des questionnements de l’histoire ou de l’identité, les pratiques d’écriture du Guadeloupéen Thierry Alet ou les interrogations du Martiniquais Hugues Bellechasse sur les rouages du désir cristallisent une autre liberté de création.
Quant aux Haï;tiens Mario Benjamin, Maxence Denis et Hervé Télémaque, par delà la singularité ou la notoriété ou de leur œuvre, ils présentent les images subversives d’un pays de Iwas [esprits du vaudou qu’on nomme encore anges, diables ou mystères. Leur société est un modèle pour les humains, ils dictent leurs actes, les favorisent ou les punissent] confronté à de douloureuses réalités.

Carrefour de confrontations et d’échanges, la manifestation réserve aussi un espace de débats sur la création dans le cadre de tables rondes auxquelles participent artistes, écrivains et critiques d’art. En contrepoint de ces rencontres, les représentations théâtrales et la soirée consacrée à Saint-Pierre-et-Miquelon se proposent de faire découvrir d’autres aspects des productions artistiques des îles de l’Amérique. Pour sa part, le catalogue, qui s’ouvre sur l’avant-propos de l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé, témoigne de la singularité des œuvres et de l’éclectisme des travaux présentés. Au fil des pages, les paroles des artistes rassemblées dans les «propos recueillis», font entendre leurs voix et constituent une trace provisoire de leur démarche intellectuelle.

(Texte publié avec l’aimable autorisation d’Océa — Tous droits réservés)

L’auteur
Régine Cuzin est directrice d’Océa, association organisant et concevant des événements artistiques en lien avec les départements d’Outre-mer.