ART | CRITIQUE

L’atelier des filles

PJulie Aminthe
@19 Mai 2012

En amenant le dessin vers la photo, et la photo vers le dessin au moyen de sorties laser en très basse résolution, Julien Carreyn propose une série de portraits de jeunes filles qui jouent avec leur potentiel érotique. Ces images sur papiers colorés dévoilent leur corps dans des décors triviaux, et leur confère une matérialité presque abstraite.

Dans les dessins ou photos de Julien Carreyn, des jeunes filles se présentent dans le plus simple appareil, avec une sorte de candeur, voire parfois de gaucherie, qui permettent d’éviter l’écueil de la pornographie.

Ces bientôt-femmes jouent avec leur corps comme elles joueraient avec quelque chose qu’elles ne maîtrisent pas encore. En montrant des parties de leur chair dans des décors du quotidien (appartement, jardin, piscine, etc.), en se parant de tenues peu affriolantes, ou au contraire trop engageantes pour obtenir satisfaction, en s’emparant d’objets d’une banalité absolue (une pomme, un stabylo, etc.), elles désamorcent le vulgaire et se rendent ainsi d’autant plus insaisissables.

Mais elles divulguent moins que ce qu’elles dissimulent. Le regard lascif de certaines, les positions que d’autres prennent parfois à la limite du grotesque, les scènes cocasses auxquelles elles participent (dans une voiture de golf ou devant la Peugeot par exemple), tout cela ressemble à un jeu où le corps est comme désacralisé, rapporté à un déguisement destiné à camoufler la véritable intimité.

Les filles de Julien Carreyn n’offrent au regard que des bouts d’elles-mêmes, et les morceaux de papier et collages qu’elles manipulent sur plusieurs images paraissent être une monstration conceptuelle de ce dévoilement seulement partiel de leur être.

L’érotisme soft qui se dégage des dessins et photos des jeunes filles, culottées et déculottées, se situe à distance de leur corps, abstrayant en quelque sorte leur chair mise à nu.

Grâce aux techniques utilisées (sorties laser en basse résolution, dessins au graphite, sérigraphies aux pantones très clairs), les œuvres de Julien Carreyn sont enveloppées d’une sorte de similarité, au point qu’il est difficile de différencier les photos des dessins.
D’un noir virant sur le gris, comme sorti d’un vieux journal, les images se présentent presque toutes sur un fond coloré, ce qui accentue leur caractère fictif, trop «criard» pour être vrai.

Roman-photo des années 2011-2012, mi-abstrait mi-réaliste, «L’atelier des filles» rend hommage à l’impénétrabilité de femmes en devenir — Eva, Magali, Clémentine, Giulia et toutes celles de leur génération — avec fantaisie et décomplexion.

Å’uvres

— Julien Carreyn, Chutes, 2011-2012. Laseprint sur papier touché peau. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva, Jehanne, radiateur, 2011-2012. Laseprint sur papier canson. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva, jogging, 2011-2012. Laseprint. 31 x 20 cm
— Julien Carreyn, Lyot, bleu, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Peugeot 307, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 30 x 21 cm
— Julien Carreyn, Piscine, 2011-2012. Laseprint. 30 x 42 cm
— Julien Carreyn, Ezgo (2), 2011-2012. Laseprint. 30 x 42 cm
— Julien Carreyn, L’atelier des filles, 2011. Graphite sur papier. 8 x 15 cm (22 x 33 cm encadré)
— Julien Carreyn, Eva, jeu rouge, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, L’atelier des filles, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 30 x 21 cm
— Julien Carreyn, Eva, jeu orange (2), 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva, jeu vert, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva, jeu bleu, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva, 2011-2012. Procédé sérigraphique sur Arches. 75,5 x 53 cm
— Julien Carreyn, Papiers, rouge, 2011-2012. Laseprint. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Magali fruits, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva pomme stabylo, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, ZQXPW, 2011-2012. Laseprint. 31 x 20 cm
— Julien Carreyn, Clémentine, miroir, 2011-2012. Laseprint. 31 x 20 cm
— Julien Carreyn, Eva, jeu orange, 2011-2012. Laseprint contrecollé sur aluminium. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Nu, 2011. Graphite sur papier. 15,5 x 10 cm (22 x 33 cm encadré)
— Julien Carreyn, Cônes, 2011-2012. Laseprint. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Giulia, 2012. Graphite sur papier. 8,5 x 15 cm (25 x 36,5 cm encadré)
— Julien Carreyn, Ezgo, 2011-2012. Laseprint. 20 x 30 cm
— Julien Carreyn, Popol Vuh, 2012. Pastel sur papier. 13,5 x 9,5 cm (31 x 27 cm encadré)
— Julien Carreyn, Studio, 2012. Graphite sur papier. 14,5 x 9,5 cm (29,5 x 24,5 cm encadré)
— Julien Carreyn, Vel Satis, 2011-2012. Laseprint. 20 x 30 cm
— Julien Carreyn, Giulia rose, 2011-2012. Laseprint. 42 x 30 cm
— Julien Carreyn, Eva (2), 2011-2012. Procédé sérigraphique sur Arches. 75,5 x 53 cm

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