PHOTO | EXPO

L’asile des photographies

13 Fév - 11 Mai 2014
Vernissage le 12 Fév 2014

Mathieu Pernot et Philippe Artières ont été invités à travailler sur les archives de l’hôpital psychiatrique de Picauville. Cette invitation faisait suite à une demande adressée par la Fondation au Point du Jour: les vieux bâtiments de l’hôpital seraient bientôt détruits; il fallait, d’une manière différente, conserver la mémoire du lieu.

Mathieu Pernot, Philippe Artières
L’asile des photographies

«En 2010, nous avons été invités à travailler par Le Point du Jour et la Fondation Bon-Sauveur sur les archives de l’hôpital psychiatrique de Picauville, dans la Manche, à une quarantaine de kilomètres de Cherbourg. Cette invitation faisait suite à une demande adressée par la Fondation au Point du Jour: les vieux bâtiments de l’hôpital seraient bientôt détruits; il fallait, d’une manière différente, conserver la mémoire du lieu.

Première originalité du projet, c’est une institution médicale qui avait sollicité une institution culturelle installée sur le même territoire. Nous ne savions pas précisément ce que nous trouverions mais on nous avait indiqué qu’un service audiovisuel animé par un infirmier passionné, Léon Faligot, disposait de films et de photographies anciennes; parallèlement, nous aurions libre accès aux archives écrites de l’hôpital, et notamment aux dossiers médicaux datant parfois d’avant la Seconde Guerre mondiale. En découvrant les centaines d’images, des années 1930 à nos jours, conservées dans ces nombreux cartons, pochettes, classeurs, nous avons eu immédiatement le sentiment d’être tombés sur un trésor oublié.

La plupart des images n’étaient pas légendées, on n’en connaissait ni les auteurs, ni les personnes représentées, mais le corpus était formidablement divers et témoignait, outre de la vie d’une institution, de tous les usages du médium: portrait d’identité, photographie d’architecture, imagerie médicale, photographie de vacances, reportage de presse, instantanés domestiques, cartes postales ou images officielles. Très vite, s’est imposée à nous l’idée que ce corpus constituait moins l’histoire en images d’une institution, emblématique de l’évolution de la psychiatrie, qu’une histoire de la photographie vue depuis l’hôpital, lieu de vie à la fois spécifique et banal — une histoire non marginale mais à la marge, une sorte d’asile des photographies.

Ainsi, s’établissait une correspondance entre la nature et le sujet de ces images: ici, pas de grands noms, ni le plus souvent d’événements remarquables mais le quotidien d’anonymes; pas de chefs d’œuvre bien composés mais l’éclat du réel que la photographie enregistre. Si quelques images pouvaient évoquer le San Clemente de Raymond Depardon, les hystériques de Charcot ou encore les «monstres» de Diane Arbus, les instantanés de Picauville — repas, kermesses, vacances — renvoyaient à une forme de normalité, celle de l’iconographie familiale. Ils formaient un contrepoint inédit à la vision dramatisée de la «folie», dominante depuis le XIXe siècle. Plutôt que de nous servir de ce corpus pour faire, chacun de notre côté, notre travail habituel d’historien ou d’artiste, nous avons voulu en faire la matière même d’une élaboration commune au cours des trois ans qu’a duré ce projet.

L’exposition et le livre qui en résultent sont des montages où notre vision voisine avec celles des bonnes sœurs, des médecins, des patients et de leurs familles qui, comme nous, ont connu Picauville. «L’Asile des photographies» ne prétend donc pas à l’exactitude, quoiqu’il s’agisse de documents, ni a fortiori à l’exhaustivité, bien que fidèle à leur diversité. Il traduit avant tout une expérience, la nôtre, inscrite dans une histoire collective, et comme telle multiple. Nous remercions chaleureusement la Fondation Bon-Sauveur ainsi que les «gens de Picauville», de nous avoir offert cette liberté.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO