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L’Art contemporain est-il chrétien ?

Entre transgression et ressourcement, la référence religieuse dans l’art contemporain n’est pas anodine. Iconographie, rejet du modèle chrétien, interrogation métaphysique, art prophane, rapport à la mort, opposition image/icône sont autant de thèmes analysés à partir d’un corpus d’œuvres d’artistes très varié.

— Éditeur : Jacqueline Chambon, Nîmes
— Collection : Rayon art
— Année : 2003
— Format : 22,50 x 15,50 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Pages : 130
— Langue : français
— ISBN : 2-87711-255-1
— Prix : 21 €

Introduction
par Catherine Grenier (extrait, pp. 6-7)

Alors que les Christs, les Vierges, les Enfers et les Paradis se font légion dans l’art contemporain, on est amené à se demander si cette résurgence iconographique n’a pour unique raison d’être que la réhabilitation et la manipulation subversive d’une iconographie traditionnelle, ou si elle forme le symptôme d’une véritable réinvention de la référence religieuse menée par les nouvelles générations d’artistes. Au-delà du phénomène sporadique de la référence directe à l’imagerie religieuse, l’analyse des travaux d’un grand nombre des artistes qui se disputent aujourd’hui le devant de la scène internationale, fait apparaître une onde de fond qui touche l’art au travers de ses formes et de ses médias les plus divers, un nouveau souffle dont l’un des vecteurs principaux est le réinvestissement de la conception chrétienne de l’homme et du monde, de la vie et de la mort. On reconnaît ainsi, dans l’œuvre de plusieurs « enfants terribles » de la scène internationale qu’on n’associerait pas spontanément à une réflexion existentielle, moins encore à des références religieuses, une attention à la nature humaine, une insistance à montrer ses limites et à les voir assumer au travers de figures pitoyables de l’homme comme de l’artiste, empreintes d’une dimension christique. La perte d’impact et la nature culturelle plutôt que religieuse de l’inscription actuelle du christianisme dans notre société est un agent favorable à cette réappropriation par l’art d’un héritage chrétien en grande partie refoulé. Le déplacement du christianisme hors de la sphère des déterminations sociales et politiques se traduit dans les jeunes générations de créateurs par un abandon de la résistance idéologique que tout le XXe siècle avait opposée à la religion et par une ouverture nouvelle à ce territoire encore prohibé par les milieux intellectuels. La plupart des artistes que nous allons évoquer appartiennent à une génération pour laquelle la parole chrétienne a perdu de sa netteté. La mémoire qu’ils en conservent est le reliquat d’une transmission lacunaire, principalement centrée sur les figures essentielles, en particulier sur la vie et les représentations du Christ. À ceci s’ajoute, depuis quelques années, la curiosité qui s’exerce envers les textes fondateurs des pères de l’Église, dont on a vu se multiplier les citations dans les textes critiques et préfaces d’expositions. Un phénomène qu’on peut lire comme une coquetterie mais qui témoigne néanmoins d’un intérêt pour une appréhension singulière, différente de l’approche philosophique, des grandes questions fondamentales.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Jacqueline Chambon)

L’auteur
Catherine Grenier, historienne de l’art, est conservatrice au Centre Georges Pompidou, responsable des collections contemporaines au Musée national d’art moderne. Elle a organisé plusieurs expositions importantes, en particulier « Abracadabra » (Tate Gallery 1999), « Les Années Pop » (Centre Georges Pompidou, 2001). Elle est l’auteur de plusieurs livres et catalogues (Messager, Dietman, Morris, etc.).