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L’Art conceptuel

Définir l’art conceptuel selon un schéma chronologique et historique (origines, apogée, déclin), entrecoupé de chapitres plus thématiques (usage de la photo, artistes femmes, présence des mots, etc.). Une approche simple, bien documentée, pour mettre cet art, réputé abscons, à la portée de tous, aussi réfractaires soient-ils.

— Éditeur : Phaidon, Londres
— Collection : Art & idées
— Année : 2003
— Format : 16 x 22 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 447
— Langue : français
— ISBN : 0-7148-9058-8
— Prix : 24,95 €

Introduction
par Tony Godfrey (extrait, p. 4 et 6)

L’art conceptuel ne s’attache pas aux formes ni aux matériaux, mais aux idées et au sens. Aucun moyen d’expression ni aucun style ne le définissent; il résiderait plutôt dans la manière dont il interroge la réalité de l’art. L’art conceptuel remet essentiellement en question le statut traditionnel de l’objet d’art en tant qu’objet unique, de collection ou marchandise. N’empruntant pas une forme traditionnelle, l’œuvre conceptuelle demande une participation active du spectateur; aussi peut-on dire qu’elle n’existe véritablement que dans la participation mentale du spectateur. Cet art peut emprunter différentes apparences objets du quotidien, photographies, cartes, vidéos, graphiques et, surtout, le langage. Souvent même l’œuvre d’art est une combinaison de toutes ces configurations. Proposant une critique fondamentale de l’art, de la représentation et de l’utilisation des formes, l’art conceptuel a eu un effet déterminant sur la pensée de nombreux artistes.

Au XXe siècle, l’art a été perçu avant tout comme quelque chose d’admirable et de respectable. Le remettre en question, comme l’a fait l’art conceptuel, revient à interroger les valeurs inhérentes à notre culture et à notre société. Au cours des dernières années, le musée d’art a, par bien des aspects, remplacé l’église ou le temple: on y observe le même silence révérencieux, et le même fétichisme dans la préservation des objets. Les artistes conceptuels se sont empressés de jeter leur dévolu sur ce fait, que ce soit sous la forme d’une dénonciation catégorique de l’institution, comme lors de la campagne anti-musées de Henry Flynt en 1963, Ou dans les déconstructions méticuleuses des interventions dans le musée d’artistes comme Joseph Kosuth et Fred Wilson.

On peut dire que l’art conceptuel a à la fois atteint son apogée et amorcé son déclin entre 1966 et 1972. Le terme a commencé à être utilisé couramment vers 1967, mais l’on peut considérer que l’art conceptuel a existé dès le début du siècle. On admet généralement que les premières manifestations sont les « ready-mades » de Marcel Duchamp, dont le célèbre Fontaine, un urinoir posé à l’envers et signé R. Mutt, que Duchamp présenta comme une œuvre d’art à l’exposition de 1917 de la Société des artistes indépendants à New York (voir chap. 1). Avant Fontaine le public avait rarement été amené à réfléchir sur ce qu’était réellement l’art, ou comment il pouvait se manifester; on l’associait simplement à la peinture, ou à la sculpture. Toutefois, très peu de spectateurs regardaient Fontaine comme une sculpture.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Phaidon)

L’auteur
Tony Godfrey, spécialiste de l’art contemporain depuis les années 1970, est maître de conférences au Sotheby’s Institute de Londres et collabore régulièrement à Art in America et Burlington Magazine. Il est l’auteur notamment de New Image : Painting in the 1980’s et Drawing Today.