ÉCHOS
30 Sep 2010

Larry Clark: le Maire de Paris réfute l’accusation d’«autocensure»

PElisa Fedeli
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Depuis son annonce, l’exposition Larry Clark au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, ne cesse de faire des vagues. D’abord jugée pornographique et interdite aux mineurs par la Ville de Paris, elle a reçu le soutien des Verts indignés par cette mesure de censure, ce qui a finalement obligé le maire de Paris à se justifier.

Dans une lettre datée du 27 septembre 2010, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, se défend de l’accusation de « censure » que les Verts avaient formulée à son égard quant au choix d’interdire aux mineurs l’exposition Larry Clark. Il évoque pour cela l’évolution du contexte idéologique et juridique, auquel le monde de l’art aussi doit s’adapter.

D’une part, depuis une vingtaine d’années, les mentalités en matière de protection de l’enfance ont évolué en faveur d’un contrôle de plus en plus étroit. Par conséquent, les saisies d’œuvres sont moins rares aujourd’hui.
D’autre part, cette décision vise à se prémunir des sanctions prévues par le Code pénal en matière de pornographie.
Enfin, le maire justifie l’interdiction aux mineurs comme une solution préférable à celles trop radicales qui auraient consisté soit à censurer toute l’exposition soit à présenter une version partielle du travail de l’artiste.

Lire sur paris-art.com:
L’interview de Christophe Girard

LETTRE DE BERTRAND DELANOË
Réponse de Monsieur le maire de Paris adressée aux Verts :

Madame la Présidente, Monsieur le Président,

Par lettre du 21 septembre, vous m’interrogez sur les raisons qui ont poussé la Ville de Paris — et non Christophe Girard en particulier — à interdire l’exposition Larry Clark aux mineurs. Vous qualifiez une telle décision de «censure».

Je ne peux qu’exprimer sur ce sujet un très vif désaccord avec vous. Votre lettre me paraît traduire une profonde méconnaissance à la fois du contexte idéologique et politique dans lequel l’art contemporain évolue aujourd’hui.

Sur le plan idéologique, on peut le regretter — et je suis le premier à le faire — mais il est ainsi, ce qui était facile il y a encore 20 ans pose aujourd’hui problème. On l’a vu il y a quelques années avec une polémique sur un roman Rose bonbon qui avait failli être retiré de la vente, on l’a vu à Bordeaux avec le procès injuste fait aux conservateurs et au directeur du Musée lors de l’exposition «Présumés innocents», ou lorsqu’à la FIAC des œuvres ont fait l’objet d’une saisie. A tort sans aucun doute, mais de fait, un certain nombre d’associations considèrent que l’art n’échappe pas aux contraintes légitimes de notre société et se sont même fait spécialité d’attaquer artistes et responsables devant les tribunaux. D’autres exemples, y compris de saisies d’œuvres, l’attestent.

Sur le plan du droit, tous les juristes que nous avons consultés considèrent que l’article 227-24 modifié du code pénal selon lequel constitue un délit le fait, soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, qui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.
Cet article introduit par une ordonnance en date de 2000, et encore rendu plus sévère en 2007, est d’interprétation large. Contrairement à ce que vous indiquez, c’est bien à la suite de la décision du Conseil d’État le 30 juin 2000 qui fait application de cet article du code pénal que le gouvernement a réintroduit une interdiction des films aux moins de 18 ans (applicable jusque là aux seuls films X) dont il a d’ailleurs été fait usage notamment pour le film de Virginie Despentes.

Dès lors, votre proposition de lever l’interdiction aux moins de 18 ans fait courir, sans aucun doute, au conservateur du musée, aux commissaires et accessoirement à moi-même un risque pénal incontesté. La jurisprudence est très claire sur ce point : l’interdiction édictée par le code pénal étant générale, un avertissement ne saurait suffire. Il n’exonère nullement les responsables de l’exposition de leur responsabilité pénale.

Dans ces conditions, le seul choix que me laissait la loi est soit de ne pas exposer Larry Clark — solution dont vous soulignez à juste titre l’absurdité et qui justifierait une accusation de censure — soit, pire encore à mes yeux, d’ôter à cette exposition complète sa cohérence en retirant les œuvres litigieuses. Je suis trop attaché au respect des artistes pour procéder ainsi. Il ne restait, en accord avec le directeur du Musée, que l’obligation d’assortir cette exposition d’une interdiction pour les mineurs, conformément à la loi.

Cette solution qui permet à un grand artiste d’exposer dans un grand musée parisien a sans nul doute ma préférence. C’est là ma conception d’une ville où l’art est libre mais le droit, que je n’ai pas contribué à fabriquer mais qui s’impose à tous, respecté.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, Monsieur le Président, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Bertrand Delanoë

RÉFÉRENCES
— Présentation de l’exposition : http://www.mam.paris.fr/fr/node/203

— Reproductions de photographies de Larry Clark : http://larryclark.blogg.org/

— Lettre des Verts adressée à la mairie de Paris :
http://www.conseildeparis.lesverts.fr/?Exposition-Larry-Clark-non-a-la

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