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L’Actionnisme viennois et les Autrichiens

Danièle Roussel documente le phénomène de l’Actionnisme viennois du point de vue de ses acteurs, de ses observateurs et de ses héritiers, permettant de comprendre les racines artistiques, culturelles et sociales du mouvement ainsi que les scandales provoqués dans la société bourgeoise de Vienne par les actionnistes.

Information

Présentation
Danièle Roussel
L’Actionnisme viennois et les Autrichiens

L’Actionnisme viennois, mouvement né dans les années 1960, est aujourd’hui considéré par le monde de l’art comme la plus importante contribution de l’Autriche au développement de l’art dans la deuxième moitié du XXe siècle. Pourtant il n’y a que très peu de recherches sur l’origine et l’influence de ce mouvement sur l’art, la société et l’histoire.

Les interviews réalisées avec des témoins de l’époque de l’Actionnisme viennois et publiés dans cet ouvrage constituent un document historique précieux. L’auteur a réussi, en une cinquantaine d’entretiens, à interroger aussi bien les principaux membres de ce mouvement — des artistes (Otto Muehl, Hermann Nitsch, Günther Brus, Rudolf Schwarzkogler…) — que des journalistes, des historiens et des politiques qui d’une façon ou d’une autre ont été impliqués ou simplement témoins.

Extrait

«Il y a plus de 25 ans aujourd’hui (*), le « scandale de l’université » — la prestation publique des actionnistes à l’université de Vienne — mettait toute l’Autriche en émoi.

À l’époque, les Autrichiens n’ont pas cherché bien loin. Sans s’intéresser aux contenus et aux thèmes qu’abordait l’actionnisme, tous le rejetèrent, le considérant comme une obscénité, comme un acte d’agression commis par des aliénés. Et cette mise au ban de l’actionnisme alla jusqu’à la poursuite des artistes par la police.

Maintenant, le temps est venu, semble-t-il, de sortir l’actionnisme des archives, car il compte désormais comme l’un des courants artistiques les plus importants de l’après-guerre en Autriche et en Europe ; il est temps de dépoussiérer la chape de silence qui a pesé sur lui pendant vingt ans afin de le voir sous une lumière objective.

La spécificité de l’actionnisme viennois est de traiter des thèmes tabous de notre société, et de tenter de dépasser les frontières psychiques personnelles, tant celles des artistes que celles du public. L’actionnisme s’attaque à cette attitude conformiste qui conduit à refouler sa propre agressivité et à chercher chez les autres le « cochon qui sommeille », une attitude, en fin de compte, que l’on peut rendre responsable de la réussite du fascisme. Dans cette mesure, j’estime important à l’heure actuelle de rassembler encore une fois une documentation contrastée sur tous les motifs et contenus de l’actionnisme et de vérifier si la société d’aujourd’hui supporte de se voir confrontée à elle-même dans le miroir de l’actionnisme. Les entretiens que voici, réalisés avec des témoins de l’époque, issus des milieux les plus divers de la société, en fourniront la base.

L’utilisation non conventionnelle de matériaux du quotidien et leur combinaison esthétique permettent de ressentir la soi-disant « saleté » comme quelque chose de beau. Cette façon d’agir artistique condamne le caractère superficiel du matérialisme. L’actionnisme montre une voie procurant énergie et extase. Le message de l’actionnisme, c’est de montrer que l’être humain, par sa force intérieure, peut se libérer et trouver une nouvelle identité.

L’actionnisme viennois m’a toujours enthousiasmée, j’ai senti qu’il invoquait des thèmes qui me bouleversaient profondément. J’ai fait ce livre avec l’intention de porter sur l’actionnisme un éclairage multiple, de contribuer à une meilleure compréhension de ce courant artistique contesté et de susciter chez mes contemporains une discussion sur le plan artistique.»

(*) Ce texte date de 1995.

L’auteur
Danièle Roussel
est née en France en 1947. Depuis 1968, sa vie est fondée sur des démarches expérimentales et conceptuelles, dans le cadre de communautés et d’ateliers.
Elle dirige les archives Muehl, et est directrice de collection aux Presses du réel à Dijon (Domaine Otto Muehl). Elle a également été commissaire associée de plusieurs expositions en France et à l’étranger.