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La Villa Arpel de Jacques Tati

PAlexandrine Dhainaut
@22 Avr 2009

En écho à l’exposition «Jacques Tati : Deux temps, trois mouvements» à la Cinémathèque française, la grande nef du 104 accueille la plus célèbre maison du septième art, reconstituée en grandeur nature dans ses moindres détails. 

Du solex de Hulot à la chevrolet de M. Arpel, tous les accessoires de la Villa Arpel sont recomposés dans un décor reproduit à échelle 1. Conçue par Jacques Lagrange pour le film Mon oncle (1958), la Villa Arpel est la véritable vedette du film comme l’a si souvent dit Tati. Cette phrase prend tout son sens quand, par intermittence, les deux hublots de la Villa reconstituée s’allument : le bâtiment revêt l’allure d’un personnage à part entière, scrutant du coin de l’œil les va-et-vient des visiteurs.

La Villa Arpel est une pure création de Lagrange, mêlant angles droits et courbes avec harmonie, et jouant des contrastes entre la froideur du ciment gris et les couleurs vives du jardin, parfaitement ratissé et divisé à la manière de la Villa Noailles. «C’est si pratique, tout communique !» s’exclamait Mme Arpel tandis qu’elle faisait visiter la villa à une voisine dans le film. Par les nombreuses fenêtres, barreaux et autres embrasures, le spectateur découvre un intérieur épuré, sans porte, jouant des effets de transparence, à l’image de l’escalier-colonne vertébrale qui mène à l’étage.

La Villa Arpel est l’emblème des années 50-60, âge d’or du plastique, des arts ménagers et de la domotique. Les intérieurs et extérieurs se mécanisent : Mme Arpel active à distance la fontaine-poisson du jardin, l’ouverture et la fermeture de la porte du garage dépendent d’un détecteur de mouvements (et fera l’objet d’un gag dans le film, causé par le passage intempestif du chien des Arpel, qui emprisonnera sa maîtresse). La cuisine en est sans doute la plus représentative. Aseptisée et quasiment vide, elle ressemble davantage au tableau de bord d’un vaisseau spatial. Dans cette pièce, Tati se moque ouvertement des contradictions de la domotique, sensée faciliter les taches quotidiennes et qui, en réalité, complique les gestes les plus élémentaires comme ouvrir un placard. La décoration du salon est également réduite au minimum : la fameuse banquette-haricot ou la banquette tubulaire, créations originales de Lagrange, qui ont à jamais marqué les mémoires de jeunes designers tels que Domeau et Pérès qui les ont refabriqués en 2007 à l’occasion du Salon Futur Intérieur.

À travers la Villa Arpel, Tati ne critiquait pas tant l’architecture moderne que l’usage que l’on en faisait. Il se moquait avant tout du snobisme des Arpel, s’entourant de meubles manifestement inconfortables. Chez eux, il s’agissait davantage de «faire moderne» plutôt que d’habiter, de s’approprier un lieu.

Malheureusement, le visiteur ne pourra marcher sur les pas des Arpel et se contentera d’une visite périphérique du décor de Mon Oncle. Le contraire aurait certainement provoqué une pagaille dans les petits carrés de gravillons que n’aurait sans doute pas appréciée la maîtresse de maison…

 

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