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La Ténèbre et l’Azur

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Quatre ans après sa première exposition à la galerie Praz-Delavallade, intitulée L’épaisseur d’un décor, l’artiste suisse Valentin Carron présente une série d’œuvres inspirées de l’esthétique rurale des Alpes. «Je passe mes journées à reproduire, à l’échelle, les objets de mon aversion», dit-il.

D’une manière assez originale dans le paysage artistique actuel, le Suisse Valentin Carron se réapproprie non pas les images «glamour» ou «pop» de la société contemporaine, comme le font de nombreux artistes, mais s’inspire de l’esthétique rurale de sa région natale, dans les montagnes suisses, dont la culture incarnerait le «fantasme collectif de l’authenticité», et dont les objets seraient des «antidotes rassurants à la globalisation».

Pourtant le propos n’est pas si angélique, puisque parallèlement Carron dénonce une culture suisse fabriquée au XIXe siècle, non pas dans les milieux ruraux, mais par la bourgeoisie, et dans un but pro-nationaliste. Il dénonce ainsi une soi-disant authenticité qui serait avant tout destinée à montrer l’invulnérabilité politique et la puissance financière de la Suisse.

Cette dénonciation se traduit par des équerres de faux bois peintes, qui constituent la série Collection jaune souffre (nommée ainsi d’après la collection d’une maison d’édition suisse rassemblant des écrits polémiques). Ces faux éléments architecturaux prennent place dans la reconstitution d’une Suisse vernaculaire, mais la fausseté même du matériau trahit la démarche identitaire.
A proximité, une colonne torse, forme baroque par excellence, montre l’assimilation par cette culture suisse des grands courants artistiques européens, dès les périodes les plus anciennes. Avec ironie, Valentin Carron reproduit les peintures murales anonymes des années 1930 de sa ville de Fully, en Suisse, car, dit-il, il doit «approcher quelque chose de l’ordre du spirituel, comme la peinture se veut de l’être dans l’imaginaire collectif».

Valentin Carron, auquel la Kunsthalle de Zurich consacre en 2007 une exposition, traduit ainsi un malaise identitaire propre à un pays qui lui-même s’est isolé du reste de l’Europe et du monde, et dont l’un des enjeux aujourd’hui est de construire, peut-être grâce à ses artistes (on pense à John Armleder, Thomas Hirschhorn, Sylvie Fleury, Fischli & Weiss, Pipilotti Rist, Ugo Rondinone, etc.), une identité, authentique cette fois.

Valentin Carron
— Caecilia (collection jaune souffre), 2007. Styrofoam, fiberglass, resin, acrylic paint. 100 x 100 x 20 cm.
— 2 Jours pour convaincre, 2007. Styrofoam, fiberglass, resin, acrylic paint. H: 252 cm. Diamètre: 65 cm.
— Encore un hiver, 2007. Tiflex on tarpaulin, galvanised steel tubing, plastic straps. 202 x 354 x 5 cm.
— Geföltert, 2007. Tiflex on tarpaulin, galvanised steel tubing, plastic straps. 183 x 145 x 5 cm.
— Sans titre, 2007. Tiflex on tarpaulin, galvanised steel tubing, plastic straps. 115 x 153 x 4 cm.

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