ART | CRITIQUE

La seconde est partie la première, Virginie Yassef

PPaul Brannac
@02 Sep 2008

Lorsque l’on sort de l’exposition de Virginie Yassef, que l’on flâne encore un peu dans les poussières des Tuileries, on garde près de l’œil la marque diffuse d’un ennui assez sûr. Et c’est en regimbant qu’on consent y revenir.

Dans les entresols du Jeu de Paume, Virginie Yassef, jeune artiste contemporaine française, a disséminé des œuvres qu’elle conçoit comme des personnages, les protagonistes épars d’un roman intime. Pour construire cette exposition, elle s’est fondée sur des anecdotes récentes et sur le concours d’autres artistes. Le dispositif d’ensemble se voulant ainsi le résultat du dialogue que les œuvres prolongent.

Au sous-sol, on découvre un éléphant de contreplaqué gris, rafistolé comme un cheval de Troie enfantin, duquel s’échappent les résonances d’un atelier clandestin. Autour de l’animal, des chaises Rietveld 1934, modèle en kit à la fois symbole de la production industrielle et de l’assemblage artisanal. Au mur une toile gris clair sur laquelle est inscrit en gris foncé : «Minimum».

Plus haut de quelques marches, un espace sombre et bas, percé de deux fenêtres carrées obturées de jaune or accueille une vidéo. On y voit un enfant aux prises avec des volumes noirs à l’aspect satellitaire qu’il assemble en forçant l’équilibre. Le jeu puéril, né de la découverte de la matière, dérive sur l’appréhension des objets et débouche sur la création de nouvelles formes assemblées ; l’œuvre en processus en quelque sorte. Dans la pièce, face à la projection, Le Cerveau, gros satellite noir veille sur le spectateur et la vidéo.

Et puis — car il serait regrettable d’échapper à celui-ci — un niveau et demi plus haut, une étagère Billy, le modèle Ikea. L’artiste a rempli ledit meuble de cinquante huit planchettes de cinquante huit couleurs différentes, aérographées par ses soins avec des bombes de marque Montana. L’œuvre s’appelle donc Billy Montana ; elle est une remise en cause du statut de l’étagère.

Comme l’indique le titre de l’installation éléphantesque, «Pour réveiller il suffit d’un souffle», chacun des personnages inventés par Virginie Yassef (le pachyderme, Le Cerveau, Billy Montana) prend ainsi vie par la grâce de son souffle. Cependant, l’étagère doit être une Galatée capricieuse, ou l’artiste un Pygmalion catarrheux, car finalement rien ne bouge : ni l’œuvre, ni l’esprit — pas même l’animal — ni l’œil abattu qui par la suite ressentit un peu plus fort encore les bourrasques des jardins alentours.

Virginie Yassef
— Alloy, 2007. Vidéo, couleur. 15 min.
— Airedificio, 2007. Technique mixte. 191 x 240 x 210 cm.
— Passe Apache, 2005. Résine, bois, métal. 246 x 246 x 100 cm.
— Le Détecteur d’oubli, 2004. Ventilateur d’ordinateur, couverture de survie, minuteur électronique version bleue. 200 x 8 x 2,5 cm.

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