ART | EXPO

La Rose pourpre du Caire

15 Mai - 14 Nov 2009
Vernissage le 15 Mai 2009

Partant de la constatation que le cinéma s’est, à l’origine, inspiré de l’art, la FRAC d’Auvergne a voulu présenter des artistes qui, à l’inverse, s’inspirent du cinéma. Jouant ainsi sur la mise en abîme et la circularité de tels inspirations, la FRAC d’Auvergne nous montre à l’instar d’Hegel, que d’un tel mouvement né une nouvelle créativité.

Dove Allouche, Jean-Louis Aroldo, Michel Aubry, Carole Benzaken, Frédéric Castaldi, Rainer Fetting, Delphine Gigoux-Martin, Philippe Hurteau, Raoul de Keyser, Carlos Kusnir, Fabrice Lauterjung, Jonathan Meese, Ian Pei Ming, Bruno Perramant, James Rielly, Philippe Cognée, Philippe Decrauzat, Rachel Labastie, Emmanuel Lagarrigue,  Martial Raysse, David Reed, Ida Tursic, Wilfried Mille,Marc Bauer, Clemens von Wedemeyer, Darren Almond, Manuela Marques, Eric Baudelaire, Mathieu Mercier, Nicolas Delprat, Eberhard Havekost
La Rose Pourpre du Caire

L’exposition s’inscrit dans le cadre de Collections D’automne proposant, de septembre à décembre 2009, un vaste panorama des activités des Fonds régionaux d’art contemporain membres de l’association Platform.

L’art et le cinéma ont toujours entretenu d’étroites relations et se sont mutuellement nourris l’un de l’autre dans les importantes révolutions de leur histoire respective. Celle de l’art étant bien plus ancienne, il va de soi que celui-ci a, dans un premier temps, alimenté l’imaginaire des metteurs en scène. On se souvient ainsi du film tourné par Robert Wiene en 1919, Le Cabinet du Docteur Caligari, dans lequel les décors incroyables, faits de toiles peintes, s’inspirent directement de la peinture expressionniste et du cubisme.

Les exemples de films s’appuyant sur l’art, et sur la peinture en particulier, ne manquent pas et, s’il est évidemment impossible d’en dresser une liste exhaustive, il est intéressant d’en indiquer quelques exemples parmi les plus célèbres. En 1964, pour son premier film en couleur Le Désert Rouge, Michelangelo Antonioni fait repeindre les arbres et les bosquets pour donner à ses scènes l’impact pictural souhaité, afin que celles-ci interagissent exactement avec la psychologie de ses personnages. En 1975, pour Barry Lindon, Stanley Kubrick s’appuie sur les peintures du 18ème siècle de Hogarth, Reynolds et Gainsborough pour organiser ses cadrages et fait concevoir des lentilles spéciales lui permettant de filmer à la lueur d’une bougie, afin de recréer fidèlement la lumière des peintures de l’époque.

David Lynch, peintre à l’origine, décide d’en venir au cinéma pour «donner du mouvement et du son à la peinture» et s’inspire largement des peintures de Hopper dans certaines scènes (voir Lost Highway notamment), ou de Francis Bacon pour la construction de certains espaces intérieurs. On a d’ailleurs souvent dit de Lynch que la lumière si particulière de ses films n’aurait pu exister sans la peinture du Caravage.

L’histoire de l’art fournit au cinéma une source inépuisable d’inspiration en matière de sujets, de lumières ou de cadrages et les techniques les plus inventives du cinéma trouvent bien souvent leur origine dans la peinture. Les frères Wachowski évoquent ainsi les Demoiselles d’Avignon de Picasso et le cubisme pour expliquer la source de la technique du bullet time utilisée pour Matrix. De même, la technique du split screen trouve probablement son origine lointaine dans les retables religieux aux multiples panneaux peints ou dans certaines peintures médiévales utilisant la technique de la narration simultanée (un même personnage est montré à plusieurs moments de sa vie dans un même tableau). L’effet Koulechov qui montre que deux images placées côte-à-côte s’influencent mutuellement dans leur signification trouve lui aussi ses origines dans la manière de présenter certaines oeuvres en polyptyques.

Si l’art a considérablement alimenté le cinéma, le mouvement inverse s’opère très vite et un art lui-même influencé par les films et par les techniques propres au langage cinématographique voit le jour. Les oeuvres réunies dans cette exposition, majoritairement issues de la collection du FRAC Auvergne, montrent la diversité de cette contamination de la création plastique par le cinéma.

Le premier volet, intitulé Making Of, s’attache aux oeuvres qui emploient des techniques propres au vocabulaire filmique : son et lumière (Emmanuel Lagarrigue), simulation du mouvement (Ida Tursic & Wilfried Mille), cadrage (Jean-Louis Aroldo), storyboard (Marc Bauer), split screen, montage (Eberhard Havekost), mise en abîme (Clemens von Wedemeyer), effets spéciaux, suspense (Eric Baudelaire)…

La seconde partie, sous-titrée Bande-Annonce, présente des oeuvres partiellement ou totalement fondées sur la citation de films – parfois de grands classiques, parfois des productions d’importance très secondaire… : Stalker (Dove Allouche), 2001 : l’odyssée de l’espace (Nicolas Delprat), Nuit et Brouillard (Darren Almond), L’Eclipse (Raoul de Keyser), Les Oiseaux (Manuela Marques), Soleil Vert (Jonathan Meese), Les Chiens de Paille (Jean-Louis Aroldo), les productions Walt Disney (Carole Benzaken), les films de Pasolini (Bruno Perramant)…

Le titre de l’exposition est un hommage au film du même nom réalisé par Woody Allen en 1985. Situé à New York au début des années 30 en crise, il raconte la passion de Cecilia (Mia Farrow) pour les films qu’elle voit dans le cinéma du quartier et pour un film en particulier, La Rose Pourpre du Caire, un mélo exotique. Elle n’a d’yeux que pour Tom Baxter, le héros du film, un explorateur interprété par Gil Shepherd. Or Tom, lui aussi subjugué par la jeune femme, interrompt sa scène, “sort” de l’écran et entraîne Cecilia hors de la salle. La Rose Pourpre du Caire est le titre du film dans le film. Les protagonistes de La Rose Pourpre du Caire assistent à la projection de La Rose Pourpre du Caire, à moins qu’ils n’en soient les acteurs.

Le film de Woody Allen invite à une aventure magique sur l’illusion cinématographique et à une mise en abîme du cinéma assez merveilleuse où la fameuse phrase de Marcel Duchamp «C’est le regardeur qui fait l’oeuvre» trouve probablement sa signification la plus poétique. C’est à une mise en abîme semblable qu’invitent les artistes de cette exposition, en rendant hommage aux films qui les ont marqué, en s’appropriant un langage qui a longtemps puisé sa grammaire dans celle que les artistes ont créée et développée depuis des siècles.

Jean-Charles Vergne
Directeur du FRAC Auvergne
Commissaire de l’exposition.

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