DANSE | SPECTACLE

Festival d’Automne | Laughing Hole

05 Oct - 05 Oct 2019

Performance en continu de six heures, Laughing Hole, de La Ribot, plonge dans l'absurde des sociétés occidentales contemporaines. Et créée en 2006 en réponse à Guantanamo, Laughing Hole oppose, au traitement médiatique désinvolte du macabre, un rire non moins inquiétant.

Chorégraphe transdisciplinaire, La Ribot délaisse volontiers les scènes de théâtre pour mieux investir les lieux d’exposition. Musées, centres d’art et galeries lui offrent ainsi un terrain de jeu, où le regard des créateurs, danseurs et publics se trouvent positionnés à un même niveau. Pas de surplomb physique, ni d’un côté comme de l’autre. Et si dénivelé il y a, il n’est pas à trouver dans l’espace tangible, mais dans la construction des regards. Pour son édition 2019, le Festival d’Automne à Paris consacre un vaste focus à la chorégraphe madrilène d’origine, et genevoise d’élection. Un focus qui se déploie en pièces, mais aussi en expositions. Avec « Se Vende – Partie I », au Centre Pompidou Paris d’une part, et « Se Vende – Partie II », au CN D – Centre National de la Danse de Pantin d’autre part, où La Ribot reprend Laughing Hole (2006).

Laughing Hole de La Ribot : quand ne reste que l’ironie pour répondre au macabre

Un espace ouvert, des pancartes en carton, des inscriptions. Performance déployée en continu pendant six heures, Laughing Hole se rit de l’hypocrisie occidentale. Trois danseuses et un sound designer — Tamara Alegre, Olivia Csiky Trnka, Delphine Rosay, Fernando de Miguel — occupent l’espace de l’installation. À la base, en 2006, Laughing Hole répond à la prison de Guantanamo. « Se Vende » [À vendre / Se vendre], « No Vendas Nada » [Rien à vendre], « Terror of War », « Clean Politicians », « This is Brutal », « Sold Spectator », « Die There »… Inscrits en lettres capitales, aux marqueurs rouge, vert, bleu, noir, sur du carton brun, les messages affluent. Ils envahissent l’espace, en marquent les frontières. Guantanamo, c’est la réponse civilisée à la barbarie. C’est toute une machine politico-médiatique qui s’expose et s’autolégitime. Et Laughing Hole, c’est un grand éclat de rire qui vient peupler la béance.

Une performance de six heures, en continu, comme un grand éclat de rire forcé

La béance ? Celle entre le réel et ses représentations, entre le préconisé et l’effectué. Des rires nerveux, qui résonnent comme des sanglots. Et dans cet espace du verbe, où les injonctions fleurissent, le corps répond par des ricanements saccadés. Des corps qui se recroquevillent par terre, hilares. Des corps qui marchent calmement, aussi, pour aller coller une pancarte, ici ou là. Quiconque a déjà eu une crise de fou-rire connaît la tension musculaire accompagnant les derniers soubresauts. Quand le rire perdure, tel un hoquet, au-delà de l’essoufflement ou de ce qui ressemble à une douleur abdominale. Quand tous les muscles du ventre sont verrouillés, à la limite de la crampe. Des spasmes. Pendant plusieurs heures, les interprètes de Laughing Hole relèvent ainsi cet inquiétant défi. Livrant l’expérience d’une scène de folie apparente, en réponse au délire structurel.

Performance physique, Laughing Hole est à retrouver au sein de l’exposition « Se Vende – Partie II », de la Ribot, dans le cadre du Festival d’Automne 2019.

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