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La Part des Anges

08 Sep - 27 Oct 2012
Vernissage le 08 Sep 2012

Les objets seraient-ils animés par un pouvoir leur permettant de se retourner contre leur créateur? Simon Nicaise, mimant la maladresse, tire toujours les ficelles, avec un geste minimum, il est vrai. C’est avec une certaine insolence qu’il livre des pièces dont la réussite formelle prétend au coup de bol, alors que tout est savamment mis en œuvre.

Simon Nicaise
La Part des Anges

Est-ce seulement de la chimie, ou la règle d’un jeu sérieux, un contrat passé avec le néant? C’est ce qu’il faut céder à l’inaccessible pour se délecter du breuvage: une perte nécessaire à sa bonification, plus encore, sa condition d’existence. Comme des lois de la vinification aux règles de l’art il n’y a qu’un pas (de travers), l’on félicitera avant la fin de la bouteille l’éloquence de cette équation moléculaire appliquée à l’analyse de l’œuvre de Simon Nicaise.

Et l’on écartera d’emblée la thèse de la coïncidence en apprenant que l’expression — excessivement poétique pour qualifier une vapeur d’alcool — fut conviée par François Mitterrand lors de son ultime interview télévisée.
Car l’artiste entretient une passion singulière pour les derniers shows — autant que pour les premières pierres d’ailleurs — fascination dont l’authenticité ne saurait être déçue par la révélation de la mise en scène (tel le verre d’eau sur le tabouret de Jerry Seinfeld), au contraire.
Mais comment retenir dans une forme l’énergie du dernier souffle, sans être tenté de l’étouffer pour le mettre plus vite sous assistance respiratoire (comme on greffe un moteur sur une éolienne)? Cette obsession discrète à embouteiller les nectars volatiles et lyophiliser les intensités fugaces trahirait-elle un tempérament si mélancolique qu’il se complaise dans la nostalgie par anticipation? Alors la figure du trouble-fête ou du rabat-joie (à l’aiguille agile) ne masquerait-elle pas l’impatience de commémorer une chose avant même qu’elle n’ait commencé? A moins qu’elle ne fasse raisonnablement que les hommages les plus flatteurs se prononcent au cimetière.

Et il faut avouer que ce court-circuitage des règles du temps et des lois mathématiques (aidé par quelques effets spéciaux) plombe magnifiquement l’ambiance, glacée par un suspens qui n’attend rien, tandis que la roue tourne au ralenti, que les fluides se pétrifient ou s’écoulent sans se vider, et que les ébauches ont tout de produits finis.
Si l’artiste répète à son endroit le précepte de Douglas Huebler, il ajoute malgré tout — dès que l’idée est assez bonne — de nouveaux objets à ce monde trop encombré. Et s’il s’en dédouane en les imaginant reprendre leur place initiale dans le réel (comme Duchamp y songeait), ce serait avec une patte en moins, comme les victimes du sadisme naïf des entomologistes en herbe. C’est ainsi qu’il exerce sur eux son autorité. Les objets seraient-ils animés par un pouvoir leur permettant de se retourner contre leur créateur, ce dernier, mimant la maladresse et feignant le défaitisme, tire toujours les ficelles, finit toujours par les faire tourner en bourrique, avec un geste minimum, il est vrai.

C’est avec la même insolence qu’il livre à nos yeux des pièces dont la réussite formelle prétend au coup de bol, quand tout semble savamment mis en œuvre pour que ça se casse la figure. Et c’est avec une impertinence aussi talentueuse que, tout en simulant la dissection du décor (Pelote de mur), il soulève des émotions profondes en surjouant la pudeur dans une poésie fleur bleue stockée dans un congélateur, ou un puissant memento mori prononcé au rayon farces et attrapes des pompes funèbres.

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